ri, Madme Bonarde? lui pas venir?
MADAME BONARD.--Non, Monsieur; je n'ai pas ose lui en parler.
M. GEORGEY.--J'etais etonne, tres etonne. Master Bonarde faisait mal; et
je croyais il faisait toujours bien.
MADAME BONARD.--Il attend peut-etre une demande de Frederic.
FREDERIC.--C'est a quoi j'ai pense, maman, et je lui ai ecrit une lettre
que vous lui remettrez ce soir, n'est-ce pas? La voici.
MADAME BONARD.--Tu as bien fait, mon enfant; je la lui remettrai
certainement aussitot qu'il sera rentre."
Mme Bonard etait si contente d'avoir ete rassuree sur son fils apres
la terrible inquietude que lui avait causee l'ingenieuse idee de M.
Georgey, qu'elle eprouvait plus de joie que de tristesse; le souper fut
assez gai. Frederic et Julien etaient heureux de la voir si resignee.
Caroline avait soigne le repas; le vin etait bon; M. Georgey, fidele a
sa promesse, n'en but qu'une bouteille et n'en laissa boire qu'une a
ses convives. Ce jour-la tout le monde mangea ensemble, car c'etait le
dernier repas que faisait Frederic avec sa mere et avec Julien.
Le soir, ils reconduisirent Mme Bonard chez elle. M. Georgey etait
reparti pendant qu'elle faisait ses adieux a Frederic, en lui promettant
une derniere visite pour le lendemain de bonne heure avant son depart.
Julien demanda a Frederic s'il ne voulait pas faire un tour dans les
champs.
"Non, repondit Frederic, je retrouverais partout des souvenirs d'Alcide
et des mauvaises actions qu'il m'a fait commettre; rejoignons M.
Georgey, et revenons avec lui par la route ordinaire."
La nuit fut agitee pour Frederic et pour Julien. Le lendemain de bonne
heure, Caroline leur apporta a dejeuner. Quand ils eurent mange,
Frederic alla faire ses adieux a M. Georgey, qui lui serra la main, mit
dedans un petit rouleau de pieces d'or, et lui promit d'aller le voir
pendant sa visite a son ami le colonel Duguesclin, en Algerie. Frederic
lui adressa un dernier remerciement, lui baisa la main et sortit les
yeux pleins de larmes. Il trouva en bas sa mere qui arrivait.
"Et mon pere? demanda-t-il.
MADAME BONARD, _hesitant_.--Ton pere te remercie de ta lettre; il a
voulu venir avec moi, mais au dernier moment il n'a plus voulu. Il a dit
qu'il craignait de s'emporter; qu'il sentait qu'il avait tort, mais que
c'etait plus fort que sa volonte. Il m'a charge de te dire qu'il te
pardonnait, qu'il t'envoyait sa benediction."
Frederic fut console par ces dernieres paroles et embrassa sa mer
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