ment. Je suis presque tout a fait
bien a present et nous avons pas mal couru dans ces derniers jours: quel
chagrin que vous soyez clouee a Paris, ou il fait si triste et si froid,
quand une vingtaine d'heures de voyage peuvent vous transporter sous un
ciel bleu et chaud! Ce n'est pas que j'aime passionnement la Provence,
je lui prefere nos bords de la Creuse et nos fraiches montagnes
d'Auvergne; mais nous n'avons plus de printemps par la, et, ici, ca
existe encore.
Bonsoir, chere cousine; embrassez pour moi le cousin, et recevez tous
les tendres respects de Maurice.
G. SAND.
CDLXXV
A M. CHARLES PONCY, A TOULON
Tamaris, 24 avril 1861.
Cher enfant,
Envoyez-moi deux ou trois feuilles de papier ministre, a _petition_,
avec enveloppes _ad hoc_. Il faut ecrire a l'imperatrice sur ce
papier-la et je demande deux ou trois feuilles et enveloppes en cas de
_ratures_; car j'y suis sujette et il n'en faut pas trop. Envoyez-moi
aussi une ou deux enveloppes encore plus grandes pour contenir l'envoi
et le faire passer, par Damas-Hinard, secretaire des commandements de
ladite souveraine. C'est un homme charmant, qui plaide les bonnes causes
aupres d'elle.
Maintenant, cela ne reussira peut-etre pas. J'ai deja beaucoup demande
pour des desastres semblables. On ne m'a pas encore refuse; essayons
encore. Je vais faire le resume. Envoyez-moi le papier dans un petit
carton, pour que Nicolas ne m'apporte pas ca chiffonne et sali.
Maintenant quelle somme faut-il demander? L'imperatrice donnera de sa
bourse probablement. Esperons-le, car, si elle renvoie au ministere
de la marine, nous n'aurons que des paroles, et meme peut-etre moins.
Demandons-lui donc un secours, un mouvement de coeur, deux mille francs.
C'est peu, mais moins nous demanderons, plus surement nous obtiendrons.
Qu'en pensez vous?
Je ne sais ou vous prenez vos defauts, vos indiscretions et toutes les
peurs que vous vous faites. Je ne sais rien de vos crimes, sinon que
vous mettez votre cravate en fou, ce qui m'est bien egal, et que vous
faites des calembours, ce qui me revolte de la part d'un poete. Fils
ingrat, vous vous amusez a jouer faux sur un stradivarius! sur cette
langue francaise, magnifique instrument que vous devriez tenir pour
sacre, puisqu'il a servi de manifestations a votre ame, a votre coeur
et a votre genie naturel! Qu'eussiez-vous fait avec l'instrument que
le ciel et les hommes ont donne a Matheron
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