eureusement que c'est un dejeuner froid.
Et Baptiste se mit en devoir de faire, en l'absence de son maitre,
les honneurs de la maison a l'etranger en lui montrant la route de
la salle a manger.
-- Inutile, dit celui-ci, je connais le chemin. Occupe-toi de la
voiture; qu'elle soit sous l'allee, la portiere tout ouverte au
moment ou je sortirai, afin que le postillon ne puisse me voir.
Voila de quoi lui payer sa premiere poste.
Et l'etranger, designe sous le titre de baron, remit a Baptiste
une poignee d'assignats.
-- Ah! monsieur, dit celui-ci, mais il y a la de quoi payer le
voyage jusqu'a Lyon!
-- Contente-toi de le payer jusqu'a Valence, sous pretexte que je
veux dormir; le reste sera pour la peine que tu vas prendre a
faire les comptes.
-- Dois-je mettre la valise dans le coffre?
-- Je l'y mettrai moi-meme.
Et, prenant la valise des mains du domestique, sans laisser voir
qu'elle pesat a sa main, il s'achemina vers la salle a manger,
tandis que Baptiste s'acheminait vers le cabaret voisin, en
mettant de l'ordre dans ses assignats.
Comme l'avait dit l'etranger, le chemin lui etait familier; car il
s'enfonca dans un corridor, ouvrit sans hesiter une premiere
porte, puis une seconde, et, cette seconde porte ouverte, se
trouva en face d'une table elegamment servie.
Une volaille, deux perdreaux, un jambon froid, des fromages de
plusieurs especes, un dessert compose de fruits magnifiques, et
deux carafes contenant, l'une du vin couleur de rubis, et l'autre
du vin couleur de topaze, constituaient un dejeuner, qui, quoique
evidemment servi pour une seule personne puisqu'un seul couvert
etait mis, pouvait, en cas de besoin, suffire a trois ou quatre
convives.
Le premier soin du jeune homme, en entrant dans la salle a manger,
fut d'aller droit a une glace, d'oter son chapeau, de rajuster ses
cheveux avec un petit peigne qu'il tira de sa poche; apres quoi,
il s'avanca vers un bassin de faience surmonte de sa fontaine,
prit une serviette qui paraissait preparee a cet effet, et se lava
le visage et les mains.
Ce ne fut qu'apres ces soins -- qui indiquaient l'homme elegant
par habitude -- ce ne fut, disons-nous, qu'apres ces soins
minutieusement accomplis que l'etranger se mit a table.
Quelques minutes lui suffirent pour satisfaire un appetit auquel
la fatigue et la jeunesse avaient cependant donne de majestueuses
proportions; et, quand Baptiste reparut pour annoncer au convive
solitaire que la voitur
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