es qui etreignaient cruellement la jeune fille endormie; car sa
respiration devenait haletante, son sein se soulevait par bonds inegaux, et
sa main se crispait comme si elle eut voulu repousser avec force
l'agression d'un ennemi. Ses doigts en effet rencontrerent un obstacle.
Elisabeth se reveilla en sursaut et apercut le gros chien de la ferme, qui
semblait trouver, a lui passer la langue sur le visage, le plaisir que
prend un enfant gourmand a lecher un bouquet de fraises.
--Tu ne te genes pas, mon bon Fidele, dit Elisabeth en s'amusant a meler
ses doigts dans les poils soyeux du chien. Au surplus, tu m'as rendu un
veritable service en me reveillant; car je revais des choses bien
tristes!... Ah! tu regardes de cote?... Ton maitre ne doit pas etre loin.
En effet, le voila.
La jeune fille se leva et repoussa doucement le chien, qui s'en alla
rejoindre son maitre pour le preceder de nouveau en aboyant joyeusement.
Elle attacha l'extremite de son tablier a sa ceinture et alla prendre une
des cannes a lait qu'elle posa sur son epaule. Germain etait deja a ses
cotes.
--Que faites-vous la, Elisabeth? demanda-t-il.
--Vous le voyez: je remplis ma tache de tous les jours.
--Quand je suis arrive, vous etiez assise, et vous vous etes levee
subitement a mon approche...
--Comme doit le faire une pauvre servante lorsqu'elle est sous l'oeil du
maitre, interrompit Elisabeth.
--Croyez-vous que je veuille vous reprocher de vous etre reposee?...
Elisabeth, Elisabeth! depuis quelques jours j'ai doute de vous; je vous ai
vue plus d'une fois me lancer des regards ou se peignait plutot la haine
que l'amitie. Je ne m'etais donc pas trompe! vous m'en voulez? vous ne
m'aimez plus?
--Mon coeur n'a pas change, repondit Elisabeth; mais on m'a fait comprendre
la distance qu'il y a entre nous. Vous etes mon maitre, je suis votre
servante; vous avez le droit de me surveiller et de me gronder quand
j'oublie mes devoirs.
La jeune fille appuya la courroie de la canne contre sa tete et fit
quelques pas en pliant sous son fardeau.
--Elisabeth! s'ecria Germain avec un accent douloureux, vos yeux sont
rouges: vous avez pleure?
--Je ne dis pas non; mais il n'est pas defendu a une servante de pleurer,
pourvu qu'elle fasse sa besogne.
--Au nom du ciel! ne me parlez pas ainsi, reprit Germain en essayant
d'arreter la jeune fille.
--Laissez-moi, repondit-elle; on va trouver que je suis restee trop
longtemps aux champs. Je serai grond
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