t la brebis du bon Dieu!... Allez donc l'embrasser, Germain; epousez-la
meme, si bon vous semble; et vous, maitre Gilles, chassez-moi de la maison,
j'irai mendier mon pain sur la grand'route... C'est moi qui suis la
voleuse, c'est moi qui suis la faineante!... Voyons, poussez-moi sur le
chemin et tachez de vous remuer un peu!
La recommandation n'etait pas inutile; car maitre Gilles et son fils
restaient immobiles et silencieux.
Chez le fermier, c'etait stupefaction, etourdissement, timidite et habitude
de supporter sans se plaindre les orages domestiques; chez Germain, au
contraire, c'etait consternation, desespoir. Ses yeux etaient tournes du
cote d'Elisabeth, qui s'etait assise sur le banc de pierre, au pied d'un
poirier dont les branches s'attachaient comme autant de bras au mur de la
maison. La jeune fille avait cache sa tete dans ses mains, et de grosses
larmes roulaient le long de ses joues. Germain entendait de sa place les
sanglots qu'elle cherchait a retenir. Il ne put supporter plus longtemps ce
spectacle et son secret lui echappa. Comme le joueur qui risque sa fortune
sur un coup de des, il risqua tout, dans un aveu que lui arracherent sa
douleur et ses remords, tout, jusqu'a son amour pour Elisabeth, jusqu'a
l'avenir de la pauvre fille.
--Vous etes ma mere? dit-il en serrant avec emotion les mains de la
fermiere.
--Pour mon malheur! repondit-elle.
--Et vous, vous etes mon pere? reprit-il en s'adressant a maitre Gilles.
Habitue a la soumission la plus absolue, le brave homme sembla chercher
dans les yeux de sa femme un signe d'assentiment.
--Vous devez donc m'aimer comme votre fils? poursuivit Germain.
--Pour cela, ca ne fait pas de doute! dit le fermier en embrassant le jeune
homme.
Quant a maitresse Gilles, elle se tenait toujours sur la defensive.
--Et vous desirez mon bonheur? continua Germain.
--C'est encore vrai, dit le fermier.
--Eh bien! supposez que le bon Dieu, au lieu de vous accorder un garcon,
vous ait donne une fille...
--Ca m'aurait mieux convenu! interrompit maitresse Gilles.
--Supposez encore, poursuivit Germain, que vous soyez dans la pauvrete et
que votre fille soit obligee pour vivre de se louer comme servante dans une
ferme. Votre fille est belle, le fils du fermier s'en apercoit, il l'aime,
il ne le lui cache pas, et la pauvre enfant l'ecoute pour son malheur a
elle... Que doit faire le fils du fermier?
--Si ce garcon-la a du coeur, dit maitre Gilles, il d
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