e cette infamie? s'ecria le jeune homme, chez qui l'orgueil de
l'artiste se reveilla plus fort que l'amour. J'aimerais mieux mourir!
--Eh bien, soit! dit Pierre Vardouin avec un sourire affreux.
Et, plus prompt que l'eclair, il se precipita sur le jeune homme, qu'il
etreignit de ses bras nerveux. Francois, pris a l'improviste, n'eut pas le
temps d'opposer de resistance. Il fut souleve et porte sur le bord de la
plate-forme.
--Reflechis encore! dit Pierre Vardouin en le tenant suspendu sur l'abime.
Francois ne repondit pas. Il avait reussi a degager celle de ses mains qui
tenait le ciseau. Mais l'arme ne fit qu'effleurer le front de Pierre
Vardouin, qui lacha prise. Et Francois roula dans le vide. Son corps
rencontra un restant d'echafaudage, s'y arreta un instant, puis rebondit et
vint s'affaisser au pied de la tour avec un bruit sourd.
Cependant la lune eclairait de ses tristes reflets l'interieur de l'eglise.
Marie continuait de prier pour son amant. L'absence prolongee de Francois
la frappa de terreur. Elle se leva, pale comme une morte, et s'approcha, en
chancelant, de la porte qui donnait acces a la tour.
Au moment ou elle mettait le pied sur la premiere marche, la figure sombre
de Pierre Vardouin s'offrit a ses regards. Elle faillit tomber a la
renverse; mais elle retrouva subitement toute son energie a la pensee du
danger que Francois avait couru. Et saisissant une des mains du maitre de
l'oeuvre:
--Vous tremblez, dit-elle. Qu'avez-vous fait de Francois?
--Le malheureux s'est tue! balbutia Pierre Vardouin en baissant les yeux
sous le regard penetrant de sa fille.
Marie bondit hors de l'eglise et courut au pied de la tour.
Le corps de Francois etait etendu a terre. Sa tete reposait sur le tertre
d'une tombe, comme s'il se fut endormi pour toujours sur la couche des
morts.
Marie se jeta a genoux et posa la main sur le coeur du jeune homme.
--Il respire! dit-elle en levant les yeux au ciel avec une divine
expression de reconnaissance.
--Qui est la? soupira faiblement le jeune homme.
--C'est moi; c'est votre Marie.
--Je vous attendais, Marie. Je savais bien que vous viendriez me fermer les
yeux.
--Ne parlez pas ainsi! repondit Marie tout en larmes... Tenez, maintenant
que votre tete repose sur mes genoux, les couleurs semblent vous revenir...
Oh! personne ne m'enlevera mon tresor!
--Je le sens, Marie, mon heure est venue... Je souffre!... Ma pauvre
eglise, je ne l'acheverai donc
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