possibilite de rendre la confiance au papier, la supposition exageree
de sa valeur devait toujours le faire tomber. Aussi, bien que sa
circulation fut forcee partout, on ne l'accepta qu'un instant. Les
mesures violentes qui avaient pu imposer en 1793, etaient impuissantes
aujourd'hui. Personne ne traitait plus qu'en argent. Ce numeraire, qu'on
avait cru enfoui ou exporte a l'etranger, remplissait la circulation.
Celui qui etait cache se montrait, celui qui etait sorti de France y
rentrait. Les provinces meridionales etaient remplies de piastres, qui
venaient d'Espagne, appelees chez nous par le besoin. L'or et l'argent
vont, comme toutes les marchandises, la ou la demande les attire;
seulement leur prix est plus eleve, et se maintient jusqu'a ce que
la quantite soit suffisante, et que le besoin soit satisfait. Il se
commettait bien encore quelques friponneries, par les remboursemens en
mandats, parce que les lois donnant cours force de monnaie au papier,
permettaient de l'employer a l'acquittement des engagemens ecrits;
mais on ne l'osait guere, et quant a toutes les stipulations, elles se
faisaient en numeraire. Dans tous les marches on ne voyait que l'argent
ou l'or; les salaires du peuple ne se payaient pas autrement. On aurait
dit qu'il n'existait point de papier en France. Les mandats ne se
trouvaient plus que dans les mains des speculateurs, qui les recevaient
du gouvernement, et les revendaient aux acquereurs de biens nationaux.
De cette maniere, la crise financiere, quoique existant encore pour
l'etat, avait presque cesse pour les particuliers. Le commerce et
l'industrie, profitant d'un premier moment de repos, et de quelques
communications rouvertes avec le continent, par l'effet de nos
victoires, commencaient a reprendre quelque activite.
Il ne faut point, comme les gouvernemens ont la vanite de le dire,
encourager la production pour qu'elle prospere; il faut seulement ne pas
la contrarier. Elle profite du premier moment pour se developper avec
une activite merveilleuse. Mais si les particuliers recouvraient un peu
d'aisance, le gouvernement, c'est-a-dire, ses chefs, ses agens de toute
espece, militaires, administrateurs ou magistrats, ses creanciers
etaient reduits a une affreuse detresse. Les mandats qu'on leur donnait
etaient inutiles dans leurs mains; ils n'en pouvaient faire qu'un
seul usage, c'etait de les passer aux speculateurs sur le papier, qui
prenaient 100 francs pour cinq ou six, et qui revend
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