es avons rasees de
nuit. La cote est ici un peu plus seche, quoique pittoresque, et d'un
ton africain a faire plaisir. On a jete l'ancre dans la rade
d'Agrigente; la sont une foule de monuments grecs que nous desirons
visiter et etudier. Mais il est probablement decide que nous aurons le
deboire d'etre venus a quatre cents toises de ces temples sans pouvoir
meme les apercevoir. Nous payons cherement la sottise du capitaine
marseillais qui a repandu a Genes la nouvelle de la fameuse peste de
Marseille. Etant alles au lazaret d'Agrigente avec le commandant, on
nous a repondu que des ordres de Palerme, arrives la veille, defendaient
expressement qu'on donnat pratique a aucun batiment venu des ports
meridionaux de France. J'ai soutenu que Toulon etait un port du _nord_;
le bon Sicilien a repondu qu'il le savait tres-bien, mais que, n'ayant
aucune instruction sur les ports du nord, il ne pouvait nous permettre
de debarquer sans l'autorisation de l'intendant de la province
d'Agrigente. On nous a promis une reponse pour demain a huit heures; et
nous avons regagne la corvette, la mort dans l'ame et sans l'esperance
d'admirer le temple de la Concorde. C'est bien la jouer de malheur, et
je comprends enfin le supplice de Tantale.
Du 7, a six heures du matin.
Aucune nouvelle de terre ne nous est encore parvenue. Je perds tout
espoir. Je vais fermer cette lettre pour l'envoyer dans une heure et
demie d'ici a terre, pour tacher de la faire mettre a la poste a travers
toutes les fumigations d'usage. Nous nous portons tous a faire plaisir,
bon appetit, l'oeil vif, des teints superbes, et on veut absolument nous
traiter en pestiferes! Je rouvrirais ma lettre si j'avais a vous
annoncer qu'on nous permet de voir Agrigente autrement qu'a deux milles
de distance; je serais si heureux de debarquer au milieu de ces
venerables ruines! Mais je n'ose y compter.
Si nous n'avons pas l'entree a huit heures, nous mettrons immediatement
a la voile, pour courir sur Malte.
Alexandrie, le 22 aout 1828.
Je hasarde ces lignes par un batiment toscan qui part demain pour
Livourne. Comme il est fort douteux que cette lettre parvienne en France
aussitot que celle dont veut bien se charger notre excellent commandant
de l'Egle, lequel retourne en Europe et met a la voile mardi prochain,
je mets un n deg. 1 provisoire a celle-ci, reservant tous les details pour
la seconde, qui sera le veritable numero premier.
Je suis arrive le 18 aout dans cett
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