t les fifres egyptiens sur les
memes airs qu'a Paris. Toutes les anciennes marches francaises pour la
troupe ont ete adoptees par le Nizam-Gedid, et de vieux Arabes parlent
encore en francais. Il y a trois jours, allant de grand matin visiter
l'obelisque de Cleopatre, et au milieu des collines de sables qui
couvrent les debris de l'antique Alexandrie, je rencontrai un Arabe
aveugle et age, conduit par un enfant: j'approchai, et l'aveugle,
informe que j'etais Francais, me dit aussitot ces propres mots en me
saluant de la main: _Bonjour, citoyen; donne-moi quelque chose; je n'ai
pas encore dejeune._ Ne pouvant ni ne voulant resister a une telle
eloquence, je mets dans la main de l'Arabe tous les sous de France qui
me restaient; en les tatant il s'ecria aussitot: _Cela ne passe plus
ici, mon ami._ Je substituai a cette monnaie francaise une piastre
d'Egypte: _Ah! voila qui est bon, mon ami,_ ajouta-t-il; _je te
remercie, citoyen._ De telles rencontres dans le desert valent un bon
opera a Paris.
Je suis deja familiarise avec les usages et coutumes du pays; le cafe,
la pipe, la siesta, les anes, la moustache et la chaleur; surtout la
sobriete, qui est une veritable vertu a la table de M. Drovetti, ou nous
nous asseyons tous les jours, mes compagnons de voyage et moi.
J'ai visite tous les monuments des environs; la colonne de Pompee n'a
rien de fort extraordinaire; j'y ai trouve cependant a glaner. Elle
repose sur un massif construit de debris antiques, et j'ai reconnu
parmi ces debris le cartouche de Psammetichus II. Je n'ai pas neglige
l'inscription grecque qui depend de la colonne, et sur laquelle existent
encore quelques incertitudes. Une bonne empreinte en papier les fera
cesser, et je serai heureux d'exposer sous les yeux de nos savants cette
copie fidele qui doit les mettre enfin d'accord sur ce monument
historique. J'ai visite plus souvent les obelisques de Cleopatre,
toujours au moyen de nos roussins, que les jeunes Arabes nomment un _bon
cabal_ (denomination provencale). De ces deux obelisques, celui qui est
debout a ete donne au Roi par le pacha d'Egypte, et j'espere qu'on
prendra les moyens necessaires pour faire transporter cet obelisque a
Paris. Celui qui est a terre appartient aux Anglais. J'ai deja copie et
fait dessiner sous mes yeux leurs inscriptions hieroglyphiques. On en
aura donc, et pour la premiere fois, je puis le dire, un dessin exact.
Ces deux obelisques, a trois colonnes de caracteres sur chaque
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