suis d'ailleurs un peu plus attache a mes compagnons de
voyage qu'il ne l'etait probablement aux siens. Je tourne donc des
aujourd'hui ma proue du cote de l'Egypte pour redescendre le Nil, en
etudiant successivement a fond les monuments de ses deux rives; je
prendrai tous les details dignes de quelque interet, et d'apres l'idee
generale que je m'en suis formee en montant, la moisson sera des plus
riches et des plus abondantes.
Vers le milieu de fevrier je serai a Thebes, car je dois au moins donner
quinze jours au magnifique temple d'_Ibsamboul,_ l'une des merveilles de
la Nubie, creee par la puissance colossale de Rhamses-Sesostris, et un
mois me suffira ensuite pour les monuments existants entre la premiere
et la deuxieme cataracte. Philae a ete a peu pres epuisee pendant les
dix jours que nous y avons passes en remontant le Nil; et les temples
d'Ombos, d'Edfou et d'Esne, si vantes au detriment de ceux de Thebes,
m'arreteront peu de temps, parce que je les ai deja classes, et que je
trouve, sur des monuments plus anciens et d'un meilleur style, les
details mythologiques et religieux que je ne veux puiser qu'a des
sources pures. Je me bornerai a recueillir quelques inscriptions
historiques, et certains details de costume qui sentent la decadence et
qu'il est utile de conserver.
Mes portefeuilles sont deja bien riches: je me fais d'avance un plaisir
de vous mettre successivement sous les yeux toute la vieille Egypte,
religion, histoire, arts et metiers, moeurs et usages; une grande partie
de mes dessins sont colories, et je ne crains pas d'assurer qu'ils
reproduisent le veritable style des originaux avec une scrupuleuse
fidelite. Je serai heureux de ces conquetes si elles obtiennent votre
interet et vos suffrages.
Je vous prie, Monsieur, d'agreer la nouvelle assurance de mon
tres-respectueux attachement.
DIXIEME LETTRE
Ibsamboul, le 12 janvier 1829.
J'ai revu les colosses qui annoncent si dignement la plus magnifique
excavation de la Nubie. Ils m'ont paru aussi beaux de travail que la
premiere fois, et je regrette de n'etre point muni de quelque lampe
merveilleuse pour les transporter au milieu de la place Louis XV, afin
de convaincre ainsi d'un seul coup les detracteurs de l'art egyptien.
Tout est colossal ici, sans en excepter les travaux que nous avons
entrepris, et dont le resultat aura quelque droit a l'attention
publique. Tout ceux qui connaissent la localite savent quelles
difficultes on a
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