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le roi mon mari traine en Angleterre une existence si douloureuse,
que c'est peu dire en vous affirmant qu'il cherche la mort comme
une chose desirable. Tenez, messieurs, voici la lettre qu'il me
fit tenir par milord de Winter. Lisez.
Athos et Aramis s'excuserent.
Lisez, dit la reine.
Athos lut a haute voix la lettre que nous connaissons, et dans
laquelle le roi Charles demandait si l'hospitalite lui serait
accordee en France.
-- Eh bien? demanda Athos lorsqu'il eut fini cette lecture.
-- Eh bien! dit la reine, il a refuse.
Les deux amis echangerent un sourire de mepris.
-- Et maintenant, Madame, que faut-il faire? dit Athos.
-- Avez-vous quelque compassion pour tant de malheur? dit la reine
emue.
-- J'ai eu l'honneur de demander a Votre Majeste ce qu'elle
desirait que M. d'Herblay et moi fissions pour son service; nous
sommes prets.
-- Ah! monsieur, vous etes en effet un noble coeur! s'ecria la
reine avec une explosion de voix reconnaissante, tandis que lord
de Winter la regardait en ayant l'air de lui dire: Ne vous avais-
je pas repondu d'eux?
-- Mais vous, monsieur? demanda la reine a Aramis.
-- Moi, Madame, repondit celui-ci, partout ou va M. le comte, fut-
ce a la mort, je le suis sans demander pourquoi; mais quand il
s'agit du service de Votre Majeste, ajouta-t-il en regardant la
reine avec toute la grace de sa jeunesse, alors je precede M. le
comte.
-- Eh bien! messieurs, dit la reine, puisqu'il en est ainsi,
puisque vous voulez bien vous devouer au service d'une pauvre
princesse que le monde entier abandonne, voici ce qu'il s'agit de
faire pour moi. Le roi est seul avec quelques gentilshommes qu'il
craint de perdre chaque jour, au milieu d'Ecossais dont il se
defie, quoiqu'il soit Ecossais lui-meme. Depuis que lord de Winter
l'a quitte, je ne vis plus, messieurs. Eh bien! je demande
beaucoup trop peut-etre, car je n'ai aucun titre pour demander;
passez en Angleterre, joignez le roi, soyez ses amis, soyez ses
gardiens, marchez a ses cotes dans la bataille, marchez pres de
lui dans l'interieur de sa maison, ou des embuches se pressent
chaque jour, bien plus perilleuses que tous les risques de la
guerre; et en echange de ce sacrifice que vous me ferez,
messieurs, je vous promets, non de vous recompenser, je crois que
ce mot vous blesserait, mais de vous aimer comme une soeur et de
vous preferer a tout ce qui ne sera pas mon epoux et mes enfants,
je le jure devant Dieu!
Et l
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