rs parmi tout ce peuple un mouvement d'hesitation qui
ressemblait a de la honte: il s'attendait a la resistance, il
s'attendait a etre contrarie, a forcer les grilles et a renverser
les gardes; les grilles s'etaient ouvertes toutes seules, et le
roi, ostensiblement du moins, n'avait a son chevet d'autre garde
que sa mere.
Ceux qui etaient en tete balbutierent et essayerent de reculer.
-- Entrez donc, messieurs, dit Laporte, puisque la reine le
permet.
Alors un plus hardi que les autres se hasardant depassa le seuil
de la porte et s'avanca sur la pointe du pied. Tous les autres
l'imiterent, et la chambre s'emplit silencieusement, comme si tous
ces hommes eussent ete les courtisans les plus humbles et les plus
devoues. Bien au-dela de la porte on apercevait les tetes de ceux
qui, n'ayant pu entrer, se haussaient sur la pointe des pieds.
D'Artagnan voyait tout a travers une ouverture qu'il avait faite
au rideau; dans l'homme qui entra le premier il reconnut Planchet.
-- Monsieur, lui dit la reine, qui comprit qu'il etait le chef de
toute cette bande, vous avez desire voir le roi et j'ai voulu le
montrer moi-meme. Approchez, regardez-le et dites si nous avons
l'air de gens qui veulent s'echapper.
-- Non certes, repondit Planchet un peu etonne de l'honneur
inattendu qu'il recevait.
-- Vous direz donc a mes bons et fideles Parisiens, reprit Anne
d'Autriche avec un sourire a l'expression duquel d'Artagnan ne se
trompa point, que vous avez vu le roi couche et dormant, ainsi que
la reine prete a se mettre au lit a son tour.
-- Je le dirai, Madame, et ceux qui m'accompagnent le diront tous
ainsi que moi, mais...
-- Mais quoi? demanda Anne d'Autriche.
-- Que Votre Majeste me pardonne, dit Planchet, mais est-ce bien
le roi qui est couche dans ce lit?
Anne d'Autriche tressaillit.
-- S'il y a quelqu'un parmi vous tous qui connaisse le roi, dit-
elle, qu'il s'approche et qu'il dise si c'est bien Sa Majeste qui
est la.
Un homme enveloppe d'un manteau, dont en se drapant il se cachait
le visage, s'approcha, se pencha sur le lit et regarda.
Un instant d'Artagnan crut que cet homme avait un mauvais dessein,
et il porta la main a son epee; mais dans le mouvement que fit en
se baissant l'homme au manteau, il decouvrit une portion de son
visage, et d'Artagnan reconnut le coadjuteur.
-- C'est bien le roi, dit cet homme en se relevant. Dieu benisse
Sa Majeste!
-- Oui, dit a demi-voix le chef, oui, Dieu beni
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