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jamais mon frere, mais qui est toujours pour moi un bon camarade et un aimable ami. Je fus eleve comme il plut a Dieu; l'argent n'y fut pas epargne. La marquise etait riche, et, pourvu qu'elle n'eut a prendre aucun souci de mes aptitudes et de mes progres, elle se faisait un devoir de ne me refuser aucun moyen de developpement. Si elle n'eut ete en realite que ma parente eloignee et ma bienfaitrice, comme elle l'etait officiellement, j'aurais ete le plus heureux et le plus reconnaissant des orphelins; mais les femmes de chambre avaient eu trop de part a ma premiere education pour que j'ignorasse le secret de ma naissance. Des que je pus sortir de leurs mains, je m'efforcai d'oublier la douleur et l'effroi que leur indiscretion m'avait causes. Ma mere me permit de voir le monde a ses cotes, et je reconnus a la frivolite bienveillante de son caractere, au peu de soin mental qu'elle prenait de son fils legitime, que je n'avais aucun sujet de me plaindre. Je ne conservai donc point d'amertume contre elle, je n'en eus jamais le droit mais une sorte de melancolie, jointe a beaucoup de patience, de tolerance exterieure et de resolution intime, se trouva etre au fond de mon esprit, de bonne heure et pour toujours. J'eprouvais parfois un violent desir d'aimer et d'embrasser ma mere. Elle m'accordait un sourire en passant, une caresse a la derobee. Elle me consultait sur le choix de ses bijoux et de ses chevaux; elle me felicitait d'avoir du _gout_, donnait des eloges a mes instincts de savoir-vivre, et ne me gronda pas une seule fois en sa vie; mais jamais aussi elle ne comprit mon besoin d'expansion avec elle. Le seul mot maternel qui lui echappa fut pour me demander, un jour qu'elle s'apercut de ma tristesse, si j'etais jaloux de son fils, et si je ne me trouvais pas aussi bien traite que l'_enfant de la maison_. Or, comme, sauf le plaisir tres-creux d'avoir un nom et le bonheur tres-faux d'avoir dans le monde une position toute faite pour l'oisivete, mon frere n'etait effectivement pas mieux traite que moi, je compris une fois pour toutes, dans un age encore assez tendre, que tout sentiment d'envie et de depit serait de ma part ingratitude et lachete. Je reconnus que ma mere m'aimait autant qu'elle pouvait aimer, plus peut-etre qu'elle n'aimait mon frere, car j'etais l'enfant de l'amour, et ma figure lui plaisait plus que la ressemblance de son heritier avec son mari. Je m'attachai donc a lui complaire, en prenant mieux
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