e, saisissant a pleine main l'opulente barbe du
colosse, sans un mot, sans regarder derriere, comme une bete qu'on
traine a l'abattoir, il le traina a peu pres inerte, vers le cabinet du
roi.
Et Philippe II, qui le vit venir, n'eut que le temps de se reculer
precipitamment, sans quoi il eut recu en plein visage le battant de la
porte, que Pardaillan repoussa d'un violent coup de pied.
Alors, laissant la porte grande ouverte derriere lui, d'une derniere
poussee envoyant Barba Roja rouler evanoui aux pieds du roi:
--Sire, dit Pardaillan d'une voix claironnante, je vous ramene ce
mauvais drole... Une autre fois, ne le laissez pas aller sans sa
gouvernante, car, s'il s'avise encore de me vouloir jouer ses farces
incongrues, je serai force de lui arracher un a un les poils de sa
barbe...
Et, dans la stupeur et l'effarement, il sortit sans se presser, en
jetant autour de lui des regards etincelants.
Lorsque gentilshommes et officiers, revenus de leur stupeur, se
deciderent a courir sus a l'insolent, il etait trop tard. Pardaillan
avait disparu.
XIII
LE DOCUMENT
En reconduisant Fausta, Espinosa lui avait dit:
Madame, vous plairait-il de m'attendre un instant dans mon cabinet? Je
reprendrais avec vous la conversation au point ou elle est restee avec
le roi, peut-etre arriverons-nous a nous entendre.
--Me sera-t-il permis de me faire accompagner? demanda Fausta en le
regardant fixement.
Espinosa fit signe a un dominicain qui se trouvait la, et dit:
--La presence de M. le cardinal Montalte, que je vois ici, suffira, je
pense, a vous rassurer. Tour les braves qui vous escortent, nous ne
saurions vraiment les faire assister a un entretien aussi important.
Montalte s'etait avance vivement. Les trois ordinaires en avaient fait
autant et se disposaient a l'escorter.
--Si l'illustre princesse et Son Eminence veulent bien me suivre,
j'aurai l'honneur de les conduire jusqu'au cabinet de monseigneur, dit,
en s'inclinant profondement, le dominicain.
--Messieurs, dit Fausta a ses ordinaires, veuillez m'attendre un
instant. Cardinal, vous venez avec moi.
Suivi de Fausta et Montalte, le dominicain se fraya un passage dans la
foule, qui d'ailleurs s'ouvrait respectueusement devant lui. Au bout
de la salle, le religieux ouvrit une porte qui donnait sur un large
couloir, et s'effaca pour laisser passer Fausta.
Au moment ou Montalte se disposait a la suivre, une main s'abattit
rudement sur son epaule. I
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