rit gravement Espinosa, je n'ai pas cherche
a vous intimider. J'ai voulu seulement vous prouver que j'etais de force
a me mesurer avec vous sans redouter une defaite. Voulez-vous maintenant
m'accorder l'entretien que je vous ai demande?
--Pourquoi pas, monsieur? fit Pardaillan.
--Je ne suis pas votre ennemi, monsieur. Peut-etre meme serons-nous amis
bientot si, comme je l'espere, nous arrivons a nous entendre. Dans tous
les cas, quoi que vous decidiez, je vous engage ma parole que vous
sortirez du palais librement comme vous y etes entre. Notez, monsieur,
que je ne m'engage pas plus loin... L'avenir dependra de ce que vous
allez decider vous-meme. J'espere que vous ne doutez pas de ma parole?
--A Dieu ne plaise, monsieur, dit poliment Pardaillan. Je vous tiens
pour un gentilhomme. Et, si j'ai pu, me croyant menace, vous dire
des choses plutot dures, je vous exprime tous mes regrets. Ceci dit,
monsieur, je suis a vos ordres.
Et, en lui-meme, il pensait:
--Attention! Ceci va etre une lutte autrement redoutable que celle avec
le geant a barbe. Les duels a coups de langue n'ont jamais ete de mon
gout.
--Je vous demanderai la permission de mettre toutes choses en place ici,
dit Espinosa. Il est inutile que des oreilles indiscretes entendent ce
que nous allons nous dire.
Au meme instant, la porte se referma derriere Pardaillan, la
bibliotheque reprit sa place, et tout se trouva en l'ordre primitif dans
le cabinet.
--Asseyez-vous, monsieur, fit alors Espinosa, et discutons, comme deux
adversaires qui s'estiment mutuellement et desirent ne pas devenir
ennemis.
--Je vous ecoute, monsieur, fit Pardaillan, en s'installant dans un
fauteuil.
XIV
LES DEUX DIPLOMATES
--Comment se fait-il qu'un homme de votre valeur n'ait d'autre titre que
celui de chevalier? demanda brusquement Espinosa.
--On m'a fait comte de Margency, fit Pardaillan avec un haussement
d'epaules.
--Comment se fait-il que vous soyez reste un pauvre gentilhomme sans feu
ni lieu?
--On m'a donne les terres et revenus du comte de Margency... J'ai
refuse. Un ange, oui, je dis bien, un ange par la bonte, par le
devouement, par l'amour sincere et constant, fit Pardaillan avec
une emotion contenue, m'a legue sa fortune--considerable, monsieur,
puisqu'elle s'elevait a deux cent vingt mille livres. J'ai tout donne
aux pauvres sans distraire une livre.
--Comment se fait-il qu'un homme de guerre tel que vous soit reste un
simple aventur
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