ser
lourdement sur lui. Il regrettait presque d'avoir ecoute l'homme qui
lui avait conseille d'eviter les rondes. Il se secoua pour faire tomber
cette impression de terreur qui s'appesantissait sur lui. Il allait se
diriger au hasard vers l'une des trois portes, lorsqu'il crut entendre
un murmure etouffe sur sa gauche. Il changea de direction, s'approcha et
entendit distinctement une voix qui disait:
--Eh bien, que fait-il?
"Espinosa! songea Pardaillan qui reconnut la voix. Voyons ce qui se
trame la derriere."
Et, l'oreille collee contre la porte, il concentra toute son attention.
Une deuxieme voix inconnue repondait:
--Il erre dans le dedale des couloirs ou il est perdu.
"Cornes du diable! gronda Pardaillan, ceci me concerne a n'en pas
douter. Si je me tire de ce mauvais pas, vous paierez cher votre
trahison, monsieur Espinosa."
De l'autre cote de la porte, la voix de Espinosa reprenait sur ce ton
bref et imperieux qui lui etait habituel:
--Les troupes?
--Cinq cents hommes, tous armes de mousquets, occupent cette partie du
palais. Des postes de cinquante hommes gardent toutes les issues. Des
rondes de vingt a quarante hommes sillonnent les corridors dans tous les
sens, fouillent toutes les pieces. Si l'homme se heurte a l'une de ces
rondes ou a l'un de ces postes, une decharge generale le foudroie...
--Tete et ventre! rugit Pardaillan exaspere, c'est ce qu'il faudrait
voir!
Et, dans sa tete, avec l'instantaneite de l'eclair, le plan d'evasion
se dessinait net et precis, d'une simplicite remarquable: entrer
brusquement, saisir Espinosa, lui mettre la pointe de l'epee sur la
gorge et lui dire:
"Vous allez me conduire a l'instant hors de ce coupe-gorge ou sinon, foi
de Pardaillan, je vous etripe avant que d'etre broye moi-meme!"
Tout cela n'etait qu'un jeu, mais, pour l'accomplir, il fallait que la
porte ne fut pas fermee a clef.
Cependant, Espinosa donnait ses ordres:
--Il faut l'acculer a la salle des tortures et l'obliger a y penetrer.
--C'est facile, monseigneur, fit la voix inconnue: l'homme est bien
oblige de passer par les voies que nous laissons libres devant lui.
"La torture! rugit Pardaillan flamboyant de colere, la pensee est digne
de ce pretre doucereux et felon. Mais, par Pilate! Il ne me tient pas
encore!"
Et, en disant ces mots, il appuya l'epaule contre la porte, s'arc-bouta
solidement et, comme il allait pousser de toutes ses forces, il etouffa
une clameur de joie
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