nom
desormais, comme si j'etais ton second pere, ton pere adoptif. Je ferai
de toi un gentil enfant de choeur, et tu seras, un jour, apres moi, cure
de Meudon, si le bon Dieu te fait cette grace.
--Je me nomme Thadee, repondit tristement l'enfant apres un moment de
silence et de reflexion, mais je ne puis etre ni enfant de choeur, ni
cure, mon tres venere seigneur, puisque je suis ne israelite.
Rabelais respecta les scrupules religieux de cet enfant, qui avait ete
eleve dans la foi de ses peres, et il n'ajouta pas une parole qui fut de
nature a le troubler et a le chagriner a cet egard; mais, ayant remarque
que le petit Thadee n'oubliait pas ses parents, puisqu'il mettait de
cote pour eux une partie des aliments qui lui etaient attribues et qu'il
semblait ne toucher qu'a regret, Rabelais appela son sacristain, et lui
ordonna de rassembler dans un panier tout ce qui se trouvait sur la
table et d'attacher le panier sur la selle de l'anesse du presbytere.
--Tu viendras avec nous, Guillot, lui dit-il; tu conduiras l'anesse par
le licou, et si j'etais trop fatigue de la route, tu me ramenerais, sur
l'anesse, a Meudon, comme notre Seigneur Jesus entrant a Jerusalem pour
s'y faire crucifier.
--Est-il possible, monsieur le cure, repondit a voix basse le
sacristain, qui avait ecoute a la porte l'entretien de Rabelais avec
l'enfant, est-il possible que vous vouliez nous mener chez des juifs,
avec ce petit fils de Barrabas et de Judas?
--Guillot, interrompit severement le cure, j'aime mieux un juif honnete
homme, qu'un chretien malhonnete!
Le cortege se mit en marche: Guillot conduisant l'anesse avec les
victuailles, et faisant assez piteuse mine; Rabelais, en costume
ecclesiastique, tenant par la main l'enfant, qui avait honte de se
montrer, nu-pieds et tete nue, aupres du cure de Meudon. On regardait,
en effet, avec surprise, ce bizarre cortege. Un page de la maison de
Lorraine arriva, sur ces entrefaites, et resta confondu, en voyant M.
_le Recteur_, ainsi qu'on le qualifiait au chateau, donner la main a un
petit gueux deguenille et sans souliers. Il venait, de la part de la
duchesse de Guise, saluer Rabelais et l'inviter a souper ce soir-la.
Rabelais fit reponse qu'il s'y rendrait certainement, d'autant plus
qu'il aurait une belle histoire a conter a la bonne duchesse et une
belle oeuvre de charite a lui proposer.
[Illustration: On regardait avec surprise ce bizarre cortege.]
Le petit Thadee se chargea d'indiq
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