les occasions pour temoigner "son amitie", son admiration aux
excellents Francais de son bon oncle; malgre la politesse respectueuse
des Derigny, elle se sentait demasquee et repoussee. La conduite de son
oncle l'inquietait: il l'evitait souvent, ne la recherchait jamais, lui
lancait des mots piquants, moitie plaisants, moitie serieux, qu'elle
ne savait comment prendre. Deux ou trois fois elle avait essaye de
l'attendrissement, des pleurs: le general l'avait chaque fois quittee
brusquement et n'avait pas reparu de la journee; alors elle changea de
maniere et prit en plaisantant les attaques les plus directes et les
plus blessantes. Quelquefois le general etait pris d'acces de gaiete
folle; il plaignait sa niece de la vie ennuyeuse qu'il lui faisait
mener; il lui promettait du monde, des distractions; et alors sa gaiete
redoublait; il riait, il se frottait les mains, il se promenait en long
et en large, et dans sa joie il courait presque.
VIII
ARRIVEE DE L'AUTRE NIECE
Le jour meme ou le general avait temoigne si ardemment le desir de voir
arriver sa niece Dabrovine, et ou il etait alle bien loin sur la grande
route, esperant la voir venir, il apercut un nuage de poussiere qui
annoncait un equipage. Il s'arreta haletant et joyeux; le nuage
approchait; bientot il put distinguer une voiture attelee de quatre
chevaux arrivant au grand trot. Quand la voiture fut assez pres pour
que ses signaux fussent apercus, il agita son mouchoir, sa canne, son
chapeau, pour faire signe au cocher d'arreter. Le cocher retint ses
chevaux; le general s'approcha de la portiere et vit une femme encore
jeune et charmante, en grand deuil; pres d'elle etait une jeune personne
d'une beaute remarquable; en face, deux jeunes garcons. Sur le siege,
pres du cocher, etait une personne qui avait l'apparence d'une femme de
chambre.
"Natalie! ma niece! dit le general en ouvrant la portiere.
--Mon oncle! c'est vous! repondit Mme Dabrovine (car c'etait bien elle)
en s'elancant hors de la voiture et en se jetant au cou du general.
Oh! mon oncle! mon bon oncle! Quel terrible malheur depuis que je
ne vous ai vu! Mon pauvre Dmitri! mon excellent mari! tue! tue a
Sebastopol!"
Mme Dabrovine s'appuya en sanglotant sur l'epaule de son oncle. Le
general, emu de cette douleur si vive et si vraie, la serra dans ses
bras et s'attendrit avec elle.
Le general: "Ma pauvre enfant! ma chere Natalie! Pleure, mon enfant,
pleure dans les bras de ton oncle, qu
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