un demi-salut presque gracieux, et regarda sa soeur
d'un air de triomphe. Le general se grattait la tete; il avait l'air
embarrasse et mecontent.
"C'est impossible, dit-il enfin; impossible! Jackson ne peut pas avoir
une bande de droles indisciplines a regenter. Je ne le veux pas; je le
defends; entendez-vous, Jackson; et vous, Maria Petrovna, m'avez-vous
entendu?"
M. Jackson s'inclina; Mme Papofski dit d'un air pique qu'elle etait
habituee a se voir, ainsi que ses enfants, traitee en etrangere, et
qu'elle se soumettait aux ordres de son oncle.
Le diner fut calme; le soir les enfants jouerent dans la galerie comme
a l'ordinaire; Jacques et Paul y furent appeles. Natasha et M. Jackson
durent plus d'une fois s'interposer entre les bons et les mauvais; ces
derniers etaient en nombre. M. Jackson examinait et jugeait; il ne se
melait pas aux jeux.
"Jouez donc avec nous, Monsieur, dit Natasha; vous vous ennuierez tout
seul sur cette chaise."
Monsieur Jackson: "Je vous remercie de votre offre obligeante,
Mademoiselle, j'en profiterai demain et les jours suivants; aujourd'hui
je me sens tellement fatigue de mon long voyage, que je demande la
permission d'etre simple spectateur de vos jeux."
Quand les enfants se retirerent, le general accompagna Mme Dabrovine
dans son salon; M. Jackson demanda la permission de prendre le repos
dont il avait tant besoin, et Mme Papofski rentra dans son appartement.
Lorsque chacun fut installe a sa place accoutumee, et que Natasha eut
tout range autour de sa mere et de son oncle, elle dit au general:
"Savez-vous, mon oncle, que le pauvre M. Jackson a ete bien malheureux?
--Comment le sais-tu, est-ce qu'il te l'a dit? repondit le general avec
quelque frayeur d'une indiscretion de Romane."
Natasha: "Oh non! mon oncle; il ne m'a rien dit: mais je le sais et j'en
suis sure, parce que je l'ai vu a son air triste, pensif, souffrant.
Il y a longtemps qu'il souffre! Voyez comme il est pale, comme il est
maigre! Pauvre homme, il me fait peine."
Le general: "C'est parce qu'il a eu le mal de mer en venant
d'Angleterre, mon enfant. Et puis, vois-tu, il a quitte sa famille, ses
amis; il faut bien lui donner le temps de s'accoutumer a nous tous."
Natasha: "Alors, mon oncle, je ferai tout ce que je pourrai pour qu'il
soit heureux chez nous. Vous verrez comme je serai aimable pour lui.
Pauvre homme! Tout seul, c'est bien triste!
--Bon petit coeur!" dit le general en souriant.
On ca
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