sha regarda sa mere d'un air de reproche, s'approcha de son oncle,
se mit a genoux pres de lui, lui prit les mains, les baisa a plusieurs
reprises. Le general sentit une larme couler sur ses mains, il releva
Natasha, la serra dans ses bras, et, sans parler, lui tendit son
porte-feuille; Natasha le prit, et, les yeux encore humides, elle le
porta a sa mere.
"Prenez, maman; a quoi sert de cacher a mon oncle que nous sommes
pauvres? Pourquoi refuser plus longtemps d'accepter ses bienfaits?
Pourquoi blesser son coeur en refusant ce qu'il nous offre avec une
tendresse si vraie, si paternelle? On peut tout accepter d'un pere, et
n'est-il pas pour nous un bon et tendre pere?"
Mme Dabrovine prit le portefeuille des mains de sa fille, alla pres de
son oncle, l'embrassa.
"Merci, mon pere, dit-elle avec attendrissement; merci du fond du coeur.
Natasha a raison; j'avais tort. J'accepterai desormais tout ce que vous
voudrez m'offrir. Je suis votre fille par la tendresse que je vous
porte, et j'avoue sans rougir que, sans vous, je ne puis en effet elever
convenablement mes enfants."
Le general: "...Qui sont a l'avenir les miens, comme toi tu es ma fille
bien-aimee!"
Le general les prit toutes deux dans ses bras, les embrassa en les
regardant avec tendresse.
"Ma chere petite Natasha, ta bonne action ne sera pas perdue. Repose-toi
sur moi du soin de ton avenir. Natalie, tu trouveras dans ce
porte-feuille dix mille roubles. Ne te gene pas pour acheter et donner;
je renouvellerai tes dix mille roubles quand ils seront epuises. Je ne
demande qu'une seule chose: c'est que tu m'appelles ton pere quand nous
serons seuls."
Madame Dabrovine: "Je m'abandonne entierement a vous, mon pere; je ferai
comme vous le desirez."
Le general resta chez sa niece jusqu'au moment ou Derigny frappa a la
porte.
"Mon general, dit-il en entrant, j'ai amene le gouverneur, M. Jackson,
que vous m'avez commande d'aller chercher; il est dans votre cabinet,
qui attend vos ordres."
Le general sourit de la surprise de Mme Dabrovine et de Natasha, et
sortit avec Derigny.
Natasha: "Quel bon et excellent pere Dieu nous a donne, maman! Comme il
fait le bien avec grace et amabilite!".
Madame Dabrovine: "Que Dieu le benisse et lui rende le bonheur qu'il
nous donne, mon enfant! L'education de tes freres m'inquietait beaucoup.
Me voici tranquille sur leur avenir... et sur le tien, Natasha."
Natasha: "Oh! maman, le mien est bien simple! C'est de re
|