etite! Comme dit Jackson,
nous sommes ennuyeux a pleurer. Allez, mon ami, allez lui dire que nous
ne voulons pas d'elle et que je lui ordonne de s'amuser la-bas." Jackson
s'empressa d'aller porter la reponse.
"Merci, mon bon monsieur Jackson, merci; c'est vous qui m'avez fait
gagner ma cause: je l'ai bien entendu. Attendez-moi tous, je reviens."
Natasha courut a la premiere berline; leste comme un oiseau, elle sauta
dedans, embrassa sa mere et son oncle.
"Je ne serai pas longtemps absente, dit-elle; je vous reviendra! au
premier relais."
Le general: "Non, reste jusqu'a la couchee, chere enfant; je serai
content de te savoir la-bas, gaie et rieuse."
Natasha remercia, sauta a bas de la berline, courut a l'autre; avant de
monter, elle tendit la main a M. Jackson.
"Soignez bien maman, dit-elle; et si vous la voyez triste, venez vite me
chercher: je la console toujours quand elle a du chagrin."
Les portieres se refermerent, et les voitures se remirent en marche.
Natasha essaya de s'asseoir sans ecraser personne; mais, de quelque cote
qu'elle se retournat, elle entendit un: Aie! qui la faisait changer de
place.
"Puisque c'est ainsi, dit-elle, je vais m'asseoir par terre."
Et, avant qu'on eut pu l'arreter, elle s'etablit par terre, ecrasant les
pieds et les genoux. Les cris redoublerent de plus belle: Natasha riait,
cherchait vainement a se relever; les quatre garcons la tiraient tant
qu'ils pouvaient; mais, comme tous riaient, ils perdaient de leur force;
et, comme Natasha riait encore plus fort, elle ne s'aidait pas du tout.
Enfin, Mme Derigny lui venant en aide, elle se trouva a genoux; c'etait
deja un progres. Alexandre et Jacques parvinrent a se placer sur le
devant de la voiture; alors Natasha put se mettre au fond avec Mme
Derigny, et Paul entre elles deux. On ne fut pas longtemps sans eprouver
les tortures de la faim; Derigny leur passa une foule de bonnes choses,
qu'ils mangerent comme des affames; leur gaiete dura jusqu'a la fin de
la journee. On s'etait arrete deux fois pour manger. Dans le village ou
on dinait et ou on couchait, Jackson reconnut une femme qui lui avait
temoigne de la compassion lors de son passage avec la chaine des
condamnes, et qui lui avait donne furtivement un pain pour suppleer a
l'insuffisance de la nourriture qu'on leur accordait. Cette rencontre
le fit trembler. Puisqu'il l'avait reconnue, elle pouvait bien le
reconnaitre aussi et aller le denoncer.
Il epia les regards e
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