vant sa
fille et son gendre. C'etait le plus jeune de la maison; il riait tout
le long du jour sans savoir pourquoi et voulait danser avec tout le
monde; il avait tellement perdu la tete qu'il doubla les appointements
de ses commis et fit une pension a son caissier, qui ne le servait que
depuis trente-six ans. Rien n'aveugle comme le bonheur. La noce fut
belle, mais cette fois on eut soin de trier les amis. De vingt lieues a
la ronde, il vint des abeilles qui apporterent un beau gateau de miel;
le bal finit par une tarentelle de souris et un saltarello d'ecureuils
dont on parla longtemps dans Paestum. Quand le soleil chassa les
invites, Violette et Perlino dansaient encore; rien ne pouvait les
arreter. Cecco, qui etait plus sage, leur fit un beau sermon pour leur
prouver qu'il n'etaient plus des enfants et qu'on ne se marie pas pour
s'amuser; ils se jeterent dans ses bras en riant. Un pere a toujours
le coeur faible: il les prit par la main et se mit a danser avec eux
jusqu'au soir.
XII
LA MORALE
"Voila l'histoire de Perlino, qui en vaut bien une autre, me dit en se
levant ma grosse hotesse, tout emue des aventures qu'elle venait de
conter.
--Et la dame des Ecus-Sonnants, m'ecriai-je, qu'est-elle devenue?
--Qui le sait, repondit Palomba. Qu'elle ait pleure ou qu'elle se
soit arrachee un cote de cheveux, qui s'en soucie? La fourberie finit
toujours par se prendre a son propre piege: c'est bien fait. La farine
du diable s'en va toute en son, tant pis pour qui sert le diable, tant
mieux pour les honnetes gens!
--Et la morale?
--Quelle morale? dit Palomba, en me regardant d'un air surpris. Si Votre
Excellence veut de la morale, il est deux heures; il y a un Pere capucin
qui preche aux vepres et vous voyez d'ici la cathedrale.
--C'est la morale du conte que je vous demande.
--Seigneur, me dit-elle en appuyant sur les finales, la soupe est
servie, le poulet frit, le macaroni cuit. N I ni, mon histoire est
finie. On berce les enfants avec des chansons et les hommes avec des
contes: que voulez-vous de plus?"
Je me mis a table, mais je n'etais pas satisfait. Tout en ebrechant mon
couteau sur un blanc de poulet, je dis a mon hotesse:
"Votre histoire est touchante, et voila un macaroni qui a un fumet
admirable; mais quand je raconterai aux enfants de mon pays les
aventures de Perlino, je ne leur servirai pas a diner en meme temps; ils
reclameront une morale.
--Eh bien, Excellence, s'il y a chez
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