avec les autres martyrs
dans une prison obscure et sans air; on lui placa les pieds sur un bloc
de bois, troue de place en place, si bien que la pauvre victime ne put
meme pas trouver de repos pour son corps brise; on la reservait pour
un supplice plus eclatant. Elle avait brave le proconsul et vaincu la
menace des lois humaines, il lui fallait maintenant servir aux plaisirs
sanglants du peuple; c'est a l'amphitheatre, un jour de fete, qu'elle
devait mourir.
Pour hater la vengeance et pour animer la rage populaire, le proconsul
ordonna des jeux extraordinaires. Il s'etait promis d'amuser la foule;
aussi chaque martyr devait-il mourir par un supplice particulier. Loin
de s'effrayer de cette terrible epreuve, les freres voyaient arriver
avec joie le jour et l'heure des tourments. La delivrance approchait.
Ces supplices divers, qui allaient les reunir dans une meme mort,
c'etait, disaient-ils, comme autant de fleurs de couleurs variees qui
formaient une meme couronne d'immortalite, offrande digne de plaire au
Seigneur.
Parmi les martyrs reserves aux betes de l'amphitheatre, on avait mis les
plus courageux, ceux qui, apres avoir lasse les bourreaux, sauraient
le mieux affronter la dent des lions et des leopards. Au premier rang
figuraient deux Romains, Maturus et Sanctus, avec un Grec, venu de
Pergame, Attale, que l'on appelait la colonne de pierre angulaire de
l'Eglise lyonnaise; a cote d'eux, meurtrie et mutilee, mais, toujours
indomptable, etait la pauvre Blandine.
Maturus et Sanctus, qu'on avait tortures plusieurs fois, furent
tourmentes de nouveau dans l'amphitheatre pour assouvir la cruaute d'une
foule insensee. On les battit de verges, on les jeta aux betes, qui
les dechirerent; le peuple voulait une mort cruelle. Sur les cris de
l'assemblee, on les retira de l'arene a demi morts, pour les asseoir sur
une chaise de fer qu'on fit rougir. Malgre tout on ne put reduire leur
constance; Maturus ne poussa pas un soupir. Sanctus ne prononca d'autres
paroles que celles qu'il avait repondu le premier jour au proconsul,
et qui l'avaient soutenu au milieu des supplices: _Je suis chretien._
Furieux de se voir vaincu par l'energie de ces hommes sans defense, le
peuple ordonna d'etrangler les deux martyrs. Le tour de Blandine etait
venu.
On l'attacha a un poteau, les bras etendus, pour l'exposer ainsi aux
animaux feroces. Sur son visage fatigue brillait comme une lueur divine;
elle mourait pleine de foi et d'esperance, ca
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