onsul il ne repondait que ces
mots: _Je suis chretien_, ou: _Je suis l'esclave du Christ_. Ces mots,
c'etait l'arret du supplice et de la mort.
Le supplice etait affreux: c'etait la torture avec toutes ses horreurs.
Tuer un chretien, c'etait, pour le magistrat, se reconnaitre vaincu:
celui qu'il avait tue etait desormais un martyr, un temoin mort pour
rendre hommage a Jesus-Christ. L'exemple de son courage engendrait de
nouveaux devouements, et il n'etait pas rare qu'a la vue de la cruaute
des bourreaux, de l'injustice des magistrats et du courage des fideles,
plus d'un paien ne se declarat publiquement chretien et ne demandat
a mourir. _Le sang des martyrs_, s'ecriait un Pere de l'Eglise, le
fougueux Tertullien, _c'est de la graine de chretiens_. Il fallait donc
non pas tuer le prisonnier, mais lui faire souffrir de tels supplices
que la douleur le contraignit a se retracter. C'etait la triste victoire
que poursuivait le magistrat, a force de menaces et de violences. Que
la victime, vaincue par la douleur, dit un mot, qu'elle brulat un grain
d'encens a la statue du divin empereur, elle etait libre et souvent
recompensee; mais si le chretien preferait la verite a la honte, on
epuisait apres lui toutes les inventions de la rage humaine, pour
arracher a sa bouche meurtrie un soupir qu'on put transformer en aveu.
Le fer, le feu, rien n'etait epargne par les bourreaux; tant qu'un
membre palpitait encore, tant qu'il restait autre chose qu'un cadavre,
on s'acharnait apres le martyr; il n'y avait de salut pour lui que dans
la mort, qu'on lui faisait atteindre si lentement et qu'on lui vendait
si cher.
On concoit donc quelle fut la terreur des chretiens de Lyon quand la
foule se mit a les poursuivre et a les livrer au magistrat. Ce n'etait
pas seulement la torture de la mort qui les effrayait, c'etait aussi la
crainte que parmi les fideles il s'en trouvat quelques-uns qui n'eussent
ni assez de courage ni assez d'energie pour resister aux bourreaux.
C'etait toujours la grande inquietude; la retractation d'un chretien,
son retour au paganisme, c'etait la vraie et la seule defaite que
redoutassent les disciples du Christ.
Il y avait surtout une classe de chretiens pour qui la tentation de
ceder etait bien forte: c'etaient les esclaves: s'ils adoraient la
statue imperiale, s'ils chargeaient leurs maitres, on leur offrait
d'ordinaire de l'argent et la liberte. Aussi voit-on, dans ces
persecutions, qu'on commence par arreter le
|