t etait endommage et le maitre etait
blesse, par-dessus le marche.
Dans la premiere auberge ou on descendit, il y avait un vieil hotelier;
une branche de sapin annoncait qu'on y vendait a bon marche du vin
nouveau. Le marchand voulut s'arreter la pour y passer la nuit.
"Je ne le ferais pas quand vous me donneriez cent ecus!" s'ecria le
fermier.
Et il sortit au plus vite, laissant son compagnon.
Vers le soir, quelques jeunes desoeuvres qui avaient trop goute au
vin nouveau se querellerent a propos d'une cause futile. On tira les
couteaux; l'hote, alourdi par les annees, n'eut pas la force de separer
ni d'apaiser les combattants. Il y eut un homme tue et, comme on
craignait la justice, on cacha le cadavre dans la voiture du marchand.
Celui-ci, qui avait bien dormi et n'avait rien entendu, se leva de grand
matin pour atteler ses chevaux. Effraye de trouver un mort sur son
chariot, il voulut fuir au plus vite pour ne pas etre mele dans un
proces facheux; mais il avait compte sans la police autrichienne; on
courut apres lui. En attendant que la justice eclaircit l'affaire, on
jeta mon homme en prison et on confisqua tout son avoir.
[Illustration]
Quand le fermier apprit ce qui etait arrive a son compagnon, il voulut
au moins mettre en surete sa voiture et reprit le chemin de sa maison.
Comme il approchait de son jardin, il apercut a la brune un jeune soldat
monte sur un des plus beaux pruniers, et qui faisait tranquillement la
recolte du bien d'autrui. Le fermier arma son fusil pour tuer le voleur;
mais il reflechit.
"J'ai paye cent ecus, pensa-t-il, pour apprendre qu'il ne faut pas
depenser toute sa colere en un jour. Attendons a demain, mon voleur
reviendra."
Il prit un detour pour entrer dans la maison par un autre cote, et,
comme il frappait a la porte, voila le jeune soldat qui vient se
precipiter dans ses bras en s'ecriant:
"Mon pere, j'ai profite de mon conge pour vous surprendre et vous
embrasser."
Le fermier dit alors a sa femme:
"Ecoute maintenant ce qui m'est arrive, tu verras si j'ai paye trop cher
mes trois avis.
Il lui conta toute l'histoire; et comme le pauvre marchand fut pendu,
quoi qu'il put faire, le fermier se trouva l'heritier de cet imprudent.
Devenu riche, il repetait tous les jours qu'on ne paye jamais trop cher
un bon conseil, et, pour la premiere fois, sa femme etait de son avis."
IX
LES TROIS HISTOIRES DU DALMATE
"Seigneur Dalmate, lui dis-je, quand il
|