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l'aneantir par ses propres desordres. Mais si, au contraire, on allait
jusqu'a supposer que les jacobins et les emigres correspondaient et se
concertaient pour arriver a une meme fin, on disait une chose aussi absurde
que ridicule, et les jacobins ne demandaient pas mieux que de se voir
accuses de cette maniere. Aussi ne cesserent-ils pendant plusieurs jours de
se dire calomnies; et Duhem demanda a plusieurs reprises qu'on vint lire
ces pretendues lettres a la tribune.
L'agitation dans Paris etait extreme. Des groupes nombreux, partis les uns
du Palais-Royal, et composes de jeunes gens a cadenettes et a collet noir,
les autres du faubourg Saint-Antoine, des rues Saint-Denis, Saint-Martin,
de tous les quartiers domines par les jacobins, se rencontraient au
Carrousel, dans le jardin des Tuileries, sur la place de la Revolution. Les
uns criaient _vive la convention! a bas les terroristes et la queue de
Robespierre!_ Les autres repondaient par les cris de _vive la convention!
vive les jacobins! a bas les aristocrates!_ Ils avaient des chants
differens. La jeunesse doree avait adopte un air qui s'appelait le _Reveil
du peuple_; les partisans des jacobins faisaient entendre ce vieil air de
la revolution, immortalise par tant de victoires: _Allons, enfans de la
patrie!_ On se rencontrait, on chantait les airs opposes, puis on poussait
les cris ennemis, et souvent on s'attaquait a coups de pierres et de baton;
le sang coulait, on se faisait des prisonniers qu'on livrait de part et
d'autre au comite de surete generale. Les jacobins disaient que ce comite,
tout compose de thermidoriens, relachait les jeunes gens qu'on lui livrait,
et ne detenait que les patriotes.
Ces scenes durerent plusieurs jours de suite, et finirent par devenir assez
alarmantes pour que les comites de gouvernement prissent des mesures de
surete, et doublassent la garde de tous les postes. Le 19 brumaire (9
novembre 1794), les rassemblemens etaient encore plus nombreux et plus
considerables que les jours precedens. Un groupe, parti du Palais-Royal, et
longeant la rue Saint-Honore, etait arrive devant la salle des Jacobins et
l'avait entouree. La foule augmentait sans cesse, toutes les avenues
etaient obstruees; et les jacobins, qui dans ce moment etaient en seance,
pouvaient se croire assieges. Quelques groupes qui leur etaient favorables
avaient fait entendre les cris de: _Vive la convention! vive les jacobins!_
auxquels on repondait par les cris contrai
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