s rapprocher trop vite. Ecrivez-lui un
mot bon, mais ne la voyez pas. Cela vous ferait trop de mal a tous les
deux. Pardonnez-moi mon conseil a faux.--A bientot."]
[Note 1149: Lettre du 6 mars, publiee par M. de Lovenjoul, article
cite, p. 443.]
Ainsi fut fait. Elle partit, et, le lendemain, Musset, revenant au quai
Malaquais, apprit la verite. Il ecrivit encore a Boucoiran pour s'en
assurer de lui-meme, mais bien decide cette fois "a respecter les
volontes" de sa maitresse[150]. Il se tint parole et tout fut fini.
[Note 150: Lettre du 7 mars, publiee par M. Clouard, article cite, p.
737.]
IX
A peine rentree a Nohant, George Sand ecrit a Sainte-Beuve (13 mars
1835). Elle lui reproche doucement de l'avoir abandonnee durant ces
tristes semaines: sans doute l'ennuyait-elle, ou du moins se jugeait-il
impuissant a la consoler. Il s'est exagere la virilite de sa douleur.
Maintenant elle est calme. Elle est partie avec la conscience de ne
laisser derriere elle aucune amertume justifiee. Elle va travailler pour
renaitre.
Dans une lettre de la meme date, elle gronde son fidele Boucoiran, de
lui mal parler de Musset. Jamais aucun mepris pour lui n'est entre dans
son coeur. "Vous me dites qu'il se porte bien et qu'il n'a montre aucun
chagrin. C'est tout ce que je desirais savoir... Tout mon desir etait
de le quitter sans le faire souffrir. S'il en est ainsi, Dieu soit
loue[151]!"
[Note 151: Lettre du 15 mars, publiee par Mme Arvede Barine.]
Elle eut alors une crise de foie, puis entra dans l'indifference.
Alfred de Musset, apaise par une resolution desormais acceptee de son
coeur, se mit au travail avec energie. Cette annee 1835, la plus austere
de sa vie, en fut la plus feconde.
La passion, qu'il avait accueillie comme une purification de sa jeunesse
dissipee, l'avait transforme en le faisant souffrir. Il etait grave: le
Musset "d'avant l'Italie" avait fait place au Musset "d'apres George
Sand". Un poete nouveau allait surgir. Trop faible pour chanter pendant
la tourmente, son coeur en s'epurant avait instruit le recueillement de
son genie. La melancolie et la resignation permettaient un libre et pur
essor a sa voix.
J'ai vu le temps ou ma jeunesse
Sur mes levres etait sans cesse,
Prete a chanter comme un oiseau;
Mais j'ai souffert un dur martyre,
Et le moins que j'en pourrais dire,
Si je l'essayais sur ma lyre
La briserait comme un roseau.
La Muse a invite le poete a chanter: la p
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