cela vous est egal, a vous. Mais il est necessaire que le duc de
Guise ait l'esprit libre pour ce qui va etre entrepris. Et, pour qu'il
ait l'esprit libre...
--Eh bien? demanda Marie.
--Dites-lui, faites-lui savoir, des que nous serons entres dans
Chartres, que Pardaillan est mort!... Et, afin qu'il n'ait point de
doute, dites-lui que c'est moi qui l'ai tue...
Ayant ainsi parle, Fausta baissa la tete et ferma les yeux comme pour
indiquer qu'elle voulait se renfermer dans ses pensees. Et ces pensees
devaient etre funebres, car son visage, dans son immobilite, semblait
refleter la mort...
Nos personnages sont donc ainsi disposes: en tete de ce long serpent de
foule qui se deroule sur la route, un groupe de cavaliers: Guise,
ses freres, ses gentilshommes. Pres de lui, Maineville insoucieux
et Maurevert inquiet. Quant a Bussi-Leclerc, il s'interesse a la
procession, sans doute, car il en parcourt les rangs, et on le voit
tantot sur un point, tantot sur un autre.
Puis, derriere cette bande de seigneurs, a une certaine distance,
commence la procession.
Puis, presque a la queue de la colonne, un moine marche seul, le
capuchon sur la figure, et ses mains serrent contre sa poitrine une
dague solide: c'est Jacques Clement.
Enfin, tres en arriere, c'etait la litiere de Fausta.
Le troisieme jour de marche, la procession se reposa dans le village de
Latrape, l'un des gites d'etape organises par le sieur Cruce, marechal
des logis de cet exode. Les penitents y etaient arrives vers quatre
heures, et aussitot s'etaient mis a table, c'est-a-dire qu'ils avaient
envahi une immense prairie ou ils s'etaient assis dans l'herbe.
Naturellement, Guise et sa suite avaient pris leurs logis dans les
meilleures maisons du village.
Dans la prairie, les gens de Latrape allaient et venaient, empresses
a faire bon accueil aux penitents. Ces braves gens avaient fait cuire
d'innombrables fournees de pain, mis en perce une trentaine de tonneaux
de cidre et de vin, et allume de grands feux dans la prairie. Devant
ces feux rotissaient des moutons entiers, des quartiers de boeuf et de
cochon.
Apres cette enorme ripaille, chacun s'enveloppa de son manteau et
chercha un coin pour dormir. Dix heures sonnerent au petit clocher du
village.
A ce moment, dans l'avant-derniere maison en allant vers Chartres, deux
hommes dormaient cote a cote, etendus sur des bottes de paille de la
grange.
Ou du moins, si l'un de ces deux hommes, en pro
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