pendant un mois encore: la conclusion de la paix
l'obligea a quitter cette vie douce et uniforme qui lui plaisait... au
moins pour un temps.
Il fallut partir. Selon leurs conventions, Derigny l'accompagna,
emmenant sa femme et ses enfants, tous enchantes du voyage et heureux de
ne pas se separer. Mme Blidot s'etait attachee a son mari autant qu'aux
enfants; Derigny s'apercut avec surprise qu'il aimait sa seconde femme
comme il avait aime Madeleine; sa gaiete premiere etait revenue. Le
general se trouvait le plus heureux des hommes. Avant de quitter
Loumigny, il donna la maison et ses dependances a sa petite femme, comme
il l'appelait encore; les pres, les terres environnants a Derigny, qui
eut ainsi une propriete personnelle de plus de quarante mille francs.
Moutier et Elfy se chargerent de l'administration et de la garde de la
maison et des terres du General reconnaissant en l'absence de Derigny
et de sa famille. La separation des deux soeurs fut douloureuse; Elfy
pleurait; Moutier etait visiblement emu. Le general embrassa Elfy avec
effusion et dit en la remettant a Moutier:
"Au revoir dans un an, mes enfants, mes bons amis. Attendez-moi pour le
bapteme de votre premier enfant; c'est moi qui suis le parrain. Adieu,
mes enfants, pensez au vieux general, toujours reconnaissant."
La voiture partit; Moutier emmena sa femme qui pleurait moins amerement
depuis la promesse du general.
ELFY.--Croyez-vous, mon ami, qu'ils reviendront dans un an, comme l'a
promis le general?
MOUTIER.--J'en suis certain, ma petite Elfy. Il nous aime tous, il
n'aime que nous, et il veut notre bonheur.
Moutier essuya les yeux d'Elfy et l'emmena faire une tournee
d'inspection dans les pres et les terres de Derigny; ils rangerent tout
dans la maison qui resta fermee jusqu'au retour de ses proprietaires.
Torchonnet devint un assez bon sujet, et sortit de chez les Freres pour
entrer en qualite de commis dans une maison de commerce.
Le proces Bournier se termina par la condamnation a mort de Bournier et
de sa femme, et aux travaux forces a perpetuite du frere de Bournier. La
femme Bournier ne fut pas executee; elle fut enfermee dans une maison
d'alienes, etant devenue folle furieuse par suite du coup sur la tete
qu'elle avait recu de Moutier. Bournier eut la tete tranchee et mourut
proferant des imprecations contre Moutier et le general.
On sut par lui, et dans le courant du proces, qu'il avait emmene la
voiture du general pour fai
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