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ie si complete en un reve. Leurs bouches a tout instant se cherchaient, s'attachaient l'une a l'autre, et se repoussaient pour se retrouver aussitot. Il n'osa pas la reconduire chez elle, et la laissa sur sa porte, affolee et defaillante. M. Paul Peronel l'attendait dans le petit salon sans lumiere. En lui touchant la main, il sentit qu'une fievre la brulait. Il se mit a causer a mi-voix, tendre et galant, bercant cette ame epuisee au charme de paroles amoureuses. Elle l'ecoutait sans repondre, pensant a l'autre, croyant entendre l'autre, croyant le sentir contre elle, dans une sorte d'hallucination. Elle ne voyait que lui, ne se rappelait plus qu'il existait un autre homme au monde; et quand son oreille tressaillait a ces trois syllabes: "Je vous aime", c'etait lui, l'autre, qui les disait, qui baisait ses doigts, c'etait lui qui serrait sa poitrine comme tout a l'heure dans le coupe, c'etait lui qui jetait sur ses levres ces caresses victorieuses, c'etait lui qu'elle etreignait, qu'elle enlacait, qu'elle appelait de tout l'elan de son coeur, de toute l'ardeur exasperee de son corps. Quand elle s'eveilla de ce songe, elle poussa un cri epouvantable. Le capitaine Fracasse, a genoux pres d'elle, la remerciait passionnement en couvrant de baisers ses cheveux denoues. Elle cria: "Allez-vous-en, allez-vous-en, allez-vous-en!" Et comme il ne comprenait pas et cherchait a ressaisir sa taille, elle se tordit en begayant: "Vous etes infame, je vous hais, vous m'avez volee, allez-vous-en." Il se releva, abasourdi, prit son chapeau et s'en alla. Le lendemain, elle retournait au Val de Cire. Son mari, surpris, lui reprocha ce coup de tete. "Je ne pouvais plus vivre loin de toi", dit-elle. Il la trouva changee de caractere, plus triste qu'autrefois; et quand il lui demandait: "Qu'as-tu donc? Tu sembles malheureuse. Que desires-tu?" Elle repondait: "Rien. Il n'y a que les reves de bons dans la vie." Mouton Fidele vint la voir l'ete suivant. Elle le recut sans trouble et sans regrets, comprenant soudain qu'elle ne l'avait jamais aime qu'en un songe dont Paul Peronel l'avait brutalement reveillee. Mais le jeune homme, qui l'adorait toujours, pensait en s'en retournant: "Les femmes sont vraiment bien bizarres, compliquees et inexplicables." UNE RUSE Ils bavardaient au coin du feu, le vieux medecin et la jeune malade. Elle n'etait qu'un peu souffrante de ces malaises feminins qu'ont souvent les
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