de luxe magnifique
et corrompu.
Et pendant les longues nuits de reve, bercee par le ronflement
regulier de son mari qui dormait a ses cotes sur le dos, avec un
foulard autour du crane, elle songeait a ces hommes connus dont les
noms apparaissent a la premiere page des journaux comme de grandes
etoiles dans un ciel sombre; et elle se figurait leur vie affolante,
avec de continuelles debauches, des orgies antiques epouvantablement
voluptueuses et des raffinements de sensualite si compliques qu'elle
ne pouvait meme se les figurer.
Les boulevards lui semblaient etre une sorte de gouffre des passions
humaines; et toutes leurs maisons recelaient assurement des mysteres
d'amour prodigieux.
Elle se sentait vieillir cependant. Elle vieillissait sans avoir
rien connu de la vie, sinon ces occupations regulieres, odieusement
monotones et banales qui constituent, dit-on, le bonheur du foyer.
Elle etait jolie encore, conservee dans cette existence tranquille
comme un fruit d'hiver dans une armoire close; mais rongee, ravagee,
bouleversee d'ardeurs secretes. Elle se demandait si elle mourrait
sans avoir connu toutes ces ivresses damnantes, sans s'etre jetee
une fois, une seule fois, tout entiere, dans ce flot des voluptes
parisiennes.
Avec une longue perseverance, elle prepara un voyage a Paris, inventa
un pretexte, se fit inviter par des parents, et, son mari ne pouvant
l'accompagner, partit seule.
Sitot arrivee, elle sut imaginer des raisons qui lui permettraient au
besoin de s'absenter deux jours ou plutot deux nuits, s'il le fallait,
ayant retrouve, disait-elle, des amis qui demeuraient dans la campagne
suburbaine.
Et elle chercha. Elle parcourut les boulevards sans rien voir, sinon
le vice errant et numerote. Elle sonda de l'oeil les grands cafes,
lut attentivement la petite correspondance du _Figaro_, qui lui
apparaissait chaque matin comme un tocsin, un rappel de l'amour.
Et jamais rien ne la mettait sur la trace de ces grandes orgies
d'artistes et d'actrices; rien ne lui revelait les temples de ces
debauches qu'elle imaginait fermes par un mot magique, comme la
caverne des _Mille et une Nuits_ et ces catacombes de Rome, ou
s'accomplissaient secretement les mysteres d'une religion persecutee.
Ses parents, petits bourgeois, ne pouvaient lui faire connaitre aucun
de ces hommes en vue dont les noms bourdonnaient dans sa tete; et,
desesperee, elle songeait a s'en retourner, quand le hasard vint a son
aide.
Un
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