qui avait ete commis, la semaine precedente, a Bolbec-Nointot.
Les esprits aussitot furent occupes par les circonstances environnant le
forfait, et attires par l'horreur interessante, par le mystere attrayant
des crimes, qui, meme vulgaires, honteux et repugnants, exercent sur la
curiosite humaine une etrange et generale fascination.
De temps en temps, cependant, le pere Roland tirait sa montre:
--Allons, dit-il, il va falloir se mettre en route.
Pierre ricana:
--Il n'est pas encore une heure. Vrai, ca n'etait point la peine de me
faire manger une cotelette froide.
--Viens-tu chez le notaire? demanda sa mere.
Il repondit sechement:
--Moi, non, pour quoi faire? Ma presence est fort inutile.
Jean demeurait silencieux comme s'il ne s'agissait point de lui. Quand
on avait parle du meurtre de Bolbec, il avait emis, en juriste, quelques
idees et developpe quelques considerations sur les crimes et sur les
criminels. Maintenant, il se taisait de nouveau, mais la clarte de son
oeil, la rougeur animee de ses joues, jusqu'au luisant de sa barbe,
semblaient proclamer son bonheur.
Apres le depart de sa famille, Pierre, se trouvant seul de nouveau,
recommenca ses investigations du matin a travers les appartements a
louer. Apres deux ou trois heures d'escaliers montes et descendus, il
decouvrit enfin, sur le boulevard Francois Ier, quelque chose de
joli: un grand entre-sol avec deux portes sur des rues differentes, deux
salons, une galerie vitree ou les malades, en attendant leur tour, se
promeneraient au milieu des fleurs, et une delicieuse salle a manger en
rotonde ayant vue sur la mer.
Au moment de louer, le prix de trois mille francs l'arreta, car il
fallait payer d'avance le premier terme, et il n'avait rien, pas un sou
devant lui.
La petite fortune amassee par son pere s'elevait a peine a huit mille
francs de rentes, et Pierre se faisait ce reproche d'avoir mis souvent
ses parents dans l'embarras par ses longues hesitations dans le choix
d'une carriere, ses tentatives toujours abandonnees et ses continuels
recommencements d'etudes. Il partit donc en promettant une reponse
avant deux jours; et l'idee lui vint de demander a son frere ce premier
trimestre, ou meme le semestre, soit quinze cents francs, des que Jean
serait en possession de son heritage.
"Ce sera un pret de quelques mois a peine, pensait-il. Je le
rembourserai peut-etre meme avant la fin de l'annee. C'est tout simple,
d'ailleurs, et il ser
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