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e meler a l'affreuse senteur de cette brume errante. Pierre, le dos arrondi et les mains dans ses poches, ne voulant point rester dehors par ce froid, se rendit chez Marowsko. Sous le bec de gaz qui veillait pour lui, le vieux pharmacien dormait toujours. En reconnaissant Pierre, qu'il aimait d'un amour de chien fidele, il secoua sa torpeur, alla chercher deux verres et apporta la groseillette. --Eh bien! demanda le docteur, ou on etes-vous avec votre liqueur? Le Polonais expliqua comment quatre des principaux cafes de la ville consentaient a la lancer dans la circulation, et comment le _Phare de la Cote_ et le _Semaphore havrais_ lui feraient de la reclame en echange de quelques produits pharmaceutiques mis a la disposition des redacteurs. Apres un long silence, Marowsko demanda si Jean, decidement, etait en possession de sa fortune; puis il fit encore deux ou trois questions vagues sur le meme sujet. Son devouement ombrageux pour Pierre se revoltait de cette preference. Et Pierre croyait l'entendre penser, devinait, comprenait, lisait dans ses yeux detournes, dans le ton hesitant de sa voix, les phrases, qui lui venaient aux levres et qu'il ne disait pas, qu'il ne dirait point, lui si prudent, si timide, si cauteleux. Maintenant il ne doutait plus, le vieux pensait: "Vous n'auriez pas du lui laisser accepter cet heritage qui fera mal parler de votre mere." Peut-etre meme croyait-il que Jean etait le fils de Marechal. Certes il le croyait! Comment ne le croirait-il pas, tant la chose devait paraitre vraisemblable, probable, evidente? Mais lui-meme, lui Pierre, le fils, depuis trois jours ne luttait-il pas de toute sa force, avec toutes les subtilites do son coeur, pour tromper sa raison, ne luttait-il pas contre ce soupcon terrible? Et de nouveau, tout a coup, le besoin d'etre seul pour songer, pour discuter cela avec lui-meme, pour envisager hardiment, sans scrupules, sans faiblesse, cette chose possible et monstrueuse, entra en lui si dominateur qu'il se leva sans meme boire son verre de groseillette, serra la main du pharmacien stupefait et se replongea dans le brouillard de la rue. Il se disait: "Pourquoi ce Marechal a-t-il laisse toute sa fortune a Jean?" Ce n'etait plus la jalousie maintenant qui lui faisait chercher cela, ce n'etait plus cette envie un peu basse et naturelle qu'il savait cachee en lui et qu'il combattait depuis trois jours, mais la terreur d'une chose epouvantable, la terreu
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