e sur le socle. Le reste git au fond des bassins. Les eaux ne
soufflent plus dans des tuyaux d'Orgue; elles bondissent encore dans des
conques de marbre et le long des grandes girandes; mais elles y chantent
de leur voix naturelle. Les rocailles se sont tapissees de vertes
chevelures, qui les rendent a la verite. Les arbres ont repris leur
essor puissant sous un climat energique, et sont devenus des colosses
encore jeunes et pleins de sante. Ceux qui sont morts ont derange la
symetrie des allees; les parterres se sont remplis de folles herbes; les
fraises et les violettes ont trace des arabesques aux contours des tapis
verts; la mousse a mis du velours sur les mosaiques criardes: tout a
pris un air de revolte, un cachet d'abandon, un ton de ruine et un chant
de solitude.
Et maintenant, ces grands parcs jetes aux flancs des montagnes, forment,
dans leurs plis verdoyants, des vallees de Tempe, ou les ruines rococo
et les ruines antiques devorees par la meme vegetation parasite donnent
a la victoire de la nature un air de gaiete extraordinaire. Comme,
en somme, les palais sont d'une coquetterie princiere ou d'un gout
charmant; que ces jardins, surcharges de details puerils, avaient ete
dessines avec beaucoup d'intelligence sur les ondulations gracieuses du
sol, et plantes avec un grand sentiment de la beaute des sites; enfin,
comme les sources abondantes y ont ete habilement dirigees pour assainir
et vivifier cette region bocagere, il ne serait pas rigoureusement vrai
de dire que la nature y ait ete mutilee et insultee. Les brimborions
fragiles y tombent en poussiere; mais les longues terrasses d'ou l'on
dominait l'immense tableau de la plaine, des montagnes et de la mer; les
gigantesques perrons de marbre et de lave qui soutiennent les ressauts
du terrain, et qui ont, certes, un grand caractere, les allees couvertes
qui rendent ces vieux Edens praticables en tout temps; enfin, tout ce
qui, travail elegant, utile ou solide, a survecu au caprice de la mode,
ajoute au charme de ces solitudes, et sert a conserver, comme dans des
sanctuaires, les heureuses combinaisons de la nature et la monumentale
beaute des ombrages. Il suffit de voir, autour des collines de Frascati,
l'aride nudite des monts Tusculans, ou l'humidite malsaine des vallees,
pour reconnaitre que l'art est parfois bien necessaire a l'oeuvre de la
creation.
Mais voyez donc, mon ami, comme je defends _mes villas_ contre les
injures du president de Brosses, et
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