tre quatre ou cinq familles
princieres. Et quels jardins! celui de Piccolomini ne compte plus. Vendu
a des bourgeois qui font argent de leur propriete, il n'a de beau que
ce que l'on n'a pu lui oter. Hais la villa Falconieri, qui le borne a
l'est, et la villa Aldobrandini, qui le borne au couchant, la villa
Conti, qui touche a cette derniere; plus haut, la Ruffinella, et, en
revenant vers l'est, la Taverna et Mondragone, tout cela se tient et
communique si bien, que j'en aurais pour trois heures a vous decrire ces
lieux enchantes, ces futaies monstrueuses, ces fontaines, ces bosquets
et ces escarpements semes de ruines romaines et pelasgiques; ces ravins
de lierre, de liseron et de vigne sauvage, ou pendent des restes de
temple, et ou tombent des eaux cristallines. Je renonce au detail, qui
viendra peut-etre par le menu; je ne peux que vous donner une notion de
l'ensemble.
Le caractere general est de deux sortes: celui de l'ancien gout
italien, et celui de la nature locale qui a repris le dessus, grace a
l'indifference ou a la decadence pecuniaire des maitres de ces folles
et magnifiques residences. Si vous voulez une exacte description de ces
residences, telles qu'elles etaient encore il y a cent ans, vous la
trouverez dans les spirituelles lettres du president de Brosses, l'homme
qui, malgre son apparente legerete, a le mieux vu l'Italie de son
temps. Il s'est beaucoup moque des jeux d'eaux et girandes, des statues
grotesques et des concerts hydrauliques de ces villegiatures de
Frascati. Il a eu raison. Lorsqu'il voyait depenser des sommes folles et
des efforts d'imagination puerile pour creer ces choses insensees, il
s'indignait de cette decadence du gout dans le pays de l'art, et il
riait au nez de tons ces vilains faunes et de toutes ces grimacantes
naiades outrageusement meles aux debris de la statuaire antique. Il
appelait cela gater l'art et la nature a grands frais d'argent et de
betise, et je m'imagine que, dans ce temps-la, quand tous ces fetiches
etaient encore frais, quand ces eaux sifflaient dans des flutes, que les
arbres etaient tailles en poire, les gazons bien tondus et les allees
bien tracees, un homme de sens et de liberte, comme lui, devait a bon
droit s'indigner et se moquer.
Mais, s'il revenait ici, il y trouverait un grand et heureux changement:
les Pans n'ont plus de flute, les nymphes n'ont plus de nez. A beaucoup
de dieux badins, il manque davantage encore, puisqu'il n'en reste qu'une
jamb
|