et les plus doux moments de notre vie seront ceux
que nous pourrons passer ensemble. Il m'a promis de m'ecrire durant son
voyage et apres son arrivee."
[Note 10: Cette lettre a ete mutilee dans la _Correspondance_, I, 265-269.]
Cette correspondance, partiellement inedite en ce qui concerne les lettres
d'Alfred de Musset, est du plus vif interet sentimental et litteraire.
Elle indique quelles impressions et quelles emotions subsistaient dans ces
cerveaux et ces coeurs douloureusement dissocies. Voici, d'abord, un
billet du voyageur a la premiere etape de sa route, qui temoigne quelle
influence George Sand conservait sur lui, meme a distance et apres toute
l'amertume de la separation: "Tu m'as dit de partir, et je suis parti; tu
m'as dit de vivre, et je vis. Nous nous sommes arretes a Padoue; il etait
huit heures du soir, et j'etais fatigue. Ne doute pas de mon courage.
Ecris-moi un mot a Milan, frere cheri, George bien-aime."
Des le lendemain du depart, le dimanche 30 mars, George Sand adressait de
Trevise, ou elle s'etait rendue avec Pagello, une lettre a Alfred de
Musset, poste restante a Milan. Elle avait d'abord concu le projet--du
moins elle l'affirme--de le rejoindre a Vicence, pour savoir comment
s'etait ecoulee la premiere et triste journee. Elle se fit violence et
resta aupres de son medecin. "J'ai senti, dit-elle, que je n'aurais pas le
courage de passer la nuit dans la meme ville que toi sans aller
t'embrasser encore le matin. J'en mourais d'envie." Mais elle a craint de
l'emouvoir outre mesure, et elle prefere que leurs attendrissements
s'echangent par correspondance. "Un voyage si long, s'ecrie-t-elle, et toi
si faible encore! Mon Dieu! mon Dieu! Je prierai Dieu du matin au soir,
j'espere qu'il m'entendra... Ne t'inquiete pas de moi. Je suis forte comme
un cheval, mais ne me dis pas d'etre gaie et tranquille. Cela ne
m'arrivera pas de si tot. Pauvre ange, comment auras-tu passe cette nuit?
J'espere que la fatigue t'aura force de dormir. Sois sage et prudent et
bon, comme tu me l'as promis... Adieu, adieu, mon ange, que Dieu te
protege, te conduise et te ramene un jour ici, si j'y suis. Dans tous les
cas, certes, je te verrai aux vacances, avec quel bonheur alors! Comme
nous nous aimerons bien! n'est-ce pas, n'est-ce pas, mon petit frere, mon
enfant? Ah! qui te soignera, et qui soignerai-je? Qui aura besoin de moi,
et de qui voudrai-je prendre soin desormais? Comment me passerai-je du
bien et du mal que
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