sanglants, cherchant instinctivement dans quel trou il pourrait se
terrer, ne voulant pas se laisser chatier ignominieusement--ah! cela
surtout, jamais!--et ne pouvant se resoudre a faire usage de son fer
pour se soustraire a la poigne de celui qu'il avait exaspere.
Pardaillan, voyant qu'il ne pouvait plus reculer, s'etait arrete a deux
pas de lui. Il etait maintenant aussi froid qu'il s'etait montre hors de
lui l'instant d'avant. Il fit un pas de plus et leva lentement la main.
Puis, se ravisant, il baissa brusquement cette main et dit d'une voix
etrangement calme, qui cingla le spadassin:
--Non, par Dieu! je ne veux pas me salir la main sur cette face de
coquin!
Et, avec la meme lenteur souverainement meprisante, avec des gestes
mesures, comme s'il eut eu tout le temps devant lui, comme s'il eut ete
sur que nulle puissance ne saurait soustraire au chatiment merite le
miserable qui le regardait avec des yeux hagards, il prit ses gants,
passes a la ceinture, et se ganta froidement, posement.
Alors, Bussi comprit enfin ce qu'il voulait faire. Si Pardaillan l'eut
saisi a la gorge, il se fut sans doute laisse etrangler sans porter la
main a la garde de son epee. C'eut ete pour lui une maniere comme une
autre d'echapper au deshonneur. Mais cela... ce geste, plus redoutable
que la mort meme, non, non, il ne pouvait le tolerer.
Il eut une supreme revolte, et, degainant dans un geste foudroyant, il
hurla d'une voix qui n'avait plus rien d'humain:
--Creve donc comme un chien! puisque tu le veux!...
En meme temps, il levait le bras pour frapper.
Mais il etait dit qu'il n'echapperait pas a son sort.
Aussi prompt que lui, Pardaillan, qui ne le perdait pas de vue, saisit
son poignet d'une main et, de l'autre, la lame par le milieu. Et, tandis
qu'il broyait le poignet dans un effort de ses muscles tendus comme
des fils d'acier, d'un geste brusque, il arrachait l'arme aux doigts
engourdis du spadassin.
Ceci fut rapide comme un eclair. En moins de temps qu'il n'en faut pour
le dire, les roles se trouverent renverses, et c'etait Pardaillan qui,
maintenant, se dressait, l'epee a la main, devant Bussi desarme.
Tout autre que le chevalier eut profite de l'inappreciable force que lui
donnait cette arme conquise pour tenter de se tirer du guepier ou, tout
au moins, de vendre cherement sa vie. Mais, Pardaillan, on le sait,
n'avait pas les idees de tout le monde. Il avait decide d'infliger a
Bussi la lecon qu'il merita
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