is elle n'eut pas l'air de voir le spadassin, et, se tournant vers
d'Espinosa, avec un sourire aigu, avec un accent aussi froid que le
sien:
--En effet, je ne donnerais pas un denier de l'existence de M. de
Bussi-Leclerc, dit-elle.
--Si vous le desirez, princesse, nous pouvons faire saisir M. de
Pardaillan sans lui laisser le temps d'executer ce qu'il medite.
--Pourquoi? dit Fausta avec une indifference dedaigneuse. C'est pour son
propre compte et pour sa propre satisfaction que M. de Bussi-Leclerc a
machine de longue main son coup de traitrise. Qu'il se debrouille tout
seul. Nous voulons tuer Pardaillan, mais nous savons rendre un hommage
merite a sa valeur exceptionnelle. Nous reconnaissons loyalement qu'il
est digne de notre respect.
D'Espinosa eut un geste d'indifference qui signifiait que, lui aussi, il
se desinteressait completement du sort de Bussi.
Cependant, a force de reculer devant l'oeil fulgurant du chevalier, il
arriva un moment ou Bussi se trouva dans l'impossibilite d'aller
plus loin, arrete qu'il etait par la masse compacte des troupes qui
assistaient a cette scene. Force lui fut donc d'entrer en contact avec
celui qu'il redoutait.
Que craignait-il? A vrai dire, il n'en savait rien.
S'il se fut agi d'echanger des coups mortels, quitte a rester lui-meme
sur le carreau, il n'eut eprouve ni crainte ni hesitation. Il etait
brave, c'etait indeniable:
Mais Bussi-Leclerc n'etait pas non plus l'homme fourbe et tortueux que
son dernier geste semblait denoncer, Pour l'amener a accomplir ce geste
qui le deshonorait a ses propres yeux, il avait fallu un concours
de circonstances special. Il avait fallu que le tentateur apparut a
l'instant precis ou il se trouvait dans un etat d'esprit voisin de la
demence, pour lui faire agreer une proposition infamante. Or, il ne faut
pas oublier que Bussi allait se suicider au moment ou Centurion etait
intervenu.
Maintenant que l'irreparable etait accompli, Bussi avait, honte de ce
qu'il avait fait. Bussi croyait lire la reprobation sur tous les visages
qui l'environnaient, Bussi avait conscience qu'il s'etait degrade et
meritait d'etre traite comme tel.
Sa terreur provenait surtout de ce qu'il voyait Pardaillan, sans arme,
resolu neanmoins a le chatier. Que meditait-il? Quelle sanglante insulte
allait-il lui infliger devant tous ces hommes rassembles? Voila ce qui
le preoccupait le plus.
Il ne pouvait aller plus loin. Il jetait autour de lui des regards
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