Il finit en demandant qu'on fixe un
jour pour discuter le rapport. L'assemblee en decrete l'impression, mais
elle en ajourne la distribution aux departemens jusqu'a ce qu'on ait
entendu Louvet et Robespierre.
Louvet etait plein de hardiesse et de courage; son patriotisme etait
sincere; mais dans sa haine contre Robespierre entrait le ressentiment
d'une lutte personnelle, commencee aux Jacobins, continuee dans la
Sentinelle, renouvelee dans l'assemblee electorale, et devenue plus
violente depuis qu'il se trouvait face a face avec son jaloux rival dans
la convention nationale. A une extreme petulance de caractere Louvet
joignait une imagination romanesque et credule qui l'egarait, et lui
faisait supposer un concert et des complots la ou il n'y avait que l'effet
spontane des passions. Il croyait a ses propres suppositions, et voulait
forcer ses amis a y ajouter la meme foi. Mais il rencontrait dans le froid
bon sens de Petion et de Roland, dans l'indolente impartialite de
Vergniaud, une opposition qui le desolait. Buzot, Barbaroux, Guadet, sans
etre aussi credules, sans supposer des trames aussi compliquees, croyaient
a la mechancete de leurs adversaires, et secondaient les attaques de
Louvet par indignation et par courage. Salles, depute de la Meurthe,
ennemi opiniatre des anarchistes dans la constituante et dans la
convention; Salles, doue d'une imagination sombre et violente, etait seul
accessible a toutes les suggestions de Louvet, et croyait, comme lui, a de
vastes complots trames dans la commune et aboutissant a l'etranger. Amis
passionnes de la liberte, Louvet et Salles ne pouvaient consentir a lui
imputer tant de maux, et ils aimaient mieux croire que les Montagnards,
surtout Marat, etaient stipendies par l'emigration et l'Angleterre, pour
pousser la revolution au crime, au deshonneur et a la confusion generale.
Plus incertains sur le compte de Robespierre, ils voyaient au moins en
lui un tyran devore d'orgueil et d'ambition, et marchant par tous les
moyens au supreme pouvoir.
Louvet, resolu d'attaquer hardiment Robespierre et de ne lui laisser aucun
repos, tenait son discours tout pret, et s'en etait muni le jour ou Roland
devait faire son rapport: aussi fut-il tout prepare a soutenir
l'accusation lorsqu'on lui donna la parole. Il la prit sur-le-champ, et
immediatement apres Roland.
Deja les girondins avaient assez de penchant a mal juger les evenemens, et
a supposer des projets criminels la ou il n'y avait
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