mination est le droit du premier venu, et n'est pas plus sacree, pas
plus legitime sur la tete de l'un que sur celle de l'autre!"
Passant a la question des formes, Saint-Just n'y voit que de nouvelles et
inconsequentes erreurs. Les formes dans le proces ne sont que de
l'hypocrisie; ce n'est point la maniere de proceder qui a justifie toutes
les vengeances connues des peuples contre les rois, c'est le droit de la
force contre la force.
"Un jour, s'ecrie-t-il, on s'etonnera qu'au dix-huitieme siecle on ait ete
moins avance que du temps de Cesar: la le tyran fut immole en plein senat,
sans autre formalite que vingt-trois coups de poignard, et sans autre loi
que la liberte de Rome. Et aujourd'hui, on fait avec respect le proces
d'un homme assassin d'un peuple, pris en flagrant delit!..."
Envisageant la question sous un autre rapport, tout etranger a Louis XVI,
Saint-Just s'eleve contre la subtilite et la finesse des esprits, qui
nuisent, dit-il, aux grandes choses. La vie de Louis XVI n'est rien, c'est
l'esprit dont ses juges vont faire preuve qui l'inquiete; c'est la mesure
qu'ils vont donner d'eux-memes qui le frappe. "Les hommes qui vont juger
Louis ont une republique a fonder, et ceux qui attachent quelque
importance au juste chatiment d'un roi ne fonderont jamais une
republique... Depuis le rapport, une certaine incertitude s'est
manifestee. Chacun rapproche le proces du roi de ses vues particulieres:
les uns semblent craindre de porter plus tard la peine de leur courage;
les autres n'ont point renonce a la monarchie; ceux-ci craignent un
exemple de vertu qui serait un lien d'unite...
"Nous nous jugeons tous avec severite, je dirai meme avec fureur; nous ne
songeons qu'a modifier l'energie du peuple et de la liberte, tandis qu'on
accuse a peine l'ennemi commun, et que tout le monde, ou rempli de
faiblesse, ou engage dans le crime, se regarde avant de frapper le premier
coup.
"Citoyens, si le peuple romain, apres six cents ans de vertu et de haine
contre les rois, si la Grande-Bretagne, apres Cromwell mort, vit renaitre
les rois malgre son energie, que ne doivent pas craindre parmi nous les
bons citoyens, amis de la liberte, en voyant la hache trembler dans nos
mains, et un peuple, des le premier jour de sa liberte, respecter le
souvenir de ses fers? Quelle republique voulez-vous etablir au milieu de
nos combats particuliers et de nos faiblesses communes?... Je ne perdrai
jamais de vue que l'esprit avec lequel
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