la, Planchet! s'ecria d'Artagnan de la porte, nous partons
dans dix minutes: donnez l'avoine aux chevaux.
Puis se retournant vers Athos:
-- Il me semble qu'il me manque quelque chose ici, et je suis
vraiment desespere de vous quitter sans avoir revu ce bon Grimaud.
-- Grimaud! dit Athos. Ah! c'est vrai? je m'etonnais aussi que
vous ne me demandassiez pas de ses nouvelles. Je l'ai prete a un
de mes amis.
-- Qui comprendra ses signes? dit d'Artagnan.
-- Je l'espere, dit Athos.
Les deux amis s'embrasserent cordialement. D'Artagnan serra la
main de Raoul, fit promettre a Athos de le visiter s'il venait a
Paris, de lui ecrire s'il ne venait pas, et il monta a cheval.
Planchet, toujours exact, etait deja en selle.
-- Ne venez-vous point avec moi, dit-il en riant a Raoul, je passe
par Blois?
Raoul se retourna vers Athos qui le retint d'un signe
imperceptible.
-- Non, monsieur, repondit le jeune homme, je reste pres de
monsieur le comte.
-- En ce cas, adieu tous deux, mes bons amis, dit d'Artagnan en
leur serrant une derniere fois la main, et Dieu vous garde! comme
nous nous disions chaque fois que nous nous quittions du temps du
feu cardinal.
Athos lui fit un signe de la main, Raoul une reverence, et
d'Artagnan et Planchet partirent.
Le comte les suivit des yeux, la main appuyee sur l'epaule du
jeune homme, dont la taille egalait presque la sienne; mais
aussitot qu'ils eurent disparu derriere le mur:
-- Raoul, dit le comte, nous partons ce soir pour Paris.
-- Comment! dit le jeune homme en palissant.
-- Vous pouvez aller presenter mes adieux et les votres a madame
de Saint-Remy. Je vous attendrai ici a sept heures.
Le jeune homme s'inclina avec une expression melee de douleur et
de reconnaissance, et se retira pour aller seller son cheval.
Quant a d'Artagnan, a peine hors de vue de son cote, il avait tire
la lettre de sa poche et l'avait relue:
"Revenez sur-le-champ a Paris.
"J.M..."
-- La lettre est seche, murmura d'Artagnan, et s'il n'y avait un
post-scriptum, peut-etre ne l'eusse-je pas comprise; mais
heureusement il y a un_ post-scriptum._
Et il lut ce fameux _post-scriptum_ qui lui faisait passer par-
dessus la secheresse de la lettre:
"_P.-S_. -- Passez chez le tresorier du roi, a Blois: dites-lui
votre nom et montrez-lui cette lettre: vous toucherez deux cents
pistoles."
-- Decidement, dit d'Artagnan, j'aime cette prose, et le cardinal
ecrit mieux que je ne croyai
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