oi Louis XIII, le favori,
l'homme de confiance, le premier a la cour enfin, un jour il lui
avait fallu ceder la place a Mazarin, et il s'etait trouve le
second; et le lendemain, comme il avait eu le mauvais esprit de se
facher de cette transposition et l'imprudence de le dire, la reine
l'avait fait arreter et conduire a Vincennes par ce meme Guitaut
que nous avons vu apparaitre au commencement de cette histoire, et
que nous aurons l'occasion de retrouver. Bien entendu, qui dit la
reine dit Mazarin. Non seulement on s'etait debarrasse ainsi de sa
personne et de ses pretentions, mais encore on ne comptait plus
avec lui, tout prince populaire qu'il etait, et depuis cinq ans il
habitait une chambre fort peu royale au donjon de Vincennes.
Cet espace de temps qui eut muri les idees de tout autre que
M. de Beaufort, avait passe sur sa tete sans y operer aucun
changement. Un autre, en effet, eut reflechi que, s'il n'avait pas
accepte de braver le cardinal, de mepriser les princes, et de
marcher seul sans autres acolytes, comme dit le cardinal de Retz,
que quelques melancoliques qui avaient l'air de songe-creux, il
aurait eu, depuis cinq ans, ou sa liberte, ou des defenseurs. Ces
considerations ne se presenterent probablement pas meme a l'esprit
du duc, que sa longue reclusion ne fit au contraire qu'affermir
davantage dans sa mutinerie, et chaque jour le cardinal recut des
nouvelles de lui qui etaient on ne peut plus desagreables pour Son
Eminence.
Apres avoir echoue en poesie, M. de Beaufort avait essaye de la
peinture. Il dessinait avec du charbon les traits du cardinal, et,
comme ses talents assez mediocres en cet ail ne lui permettaient
pas d'atteindre a une grande ressemblance, pour ne pas laisser de
doute sur l'original du portrait, il ecrivait au-dessous:
"_Ritratto dell' illustrissimo facchino Mazarini._"
M. de Chavigny, prevenu, vint faire une visite au duc et le pria
de se livrer a un autre passe-temps, ou tout au moins de faire des
portraits sans legende. Le lendemain, la chambre etait pleine de
legendes et de portraits. M. de Beaufort, comme tous les
prisonniers, au reste, ressemblait fort aux enfants qui ne
s'entetent qu'aux choses qu'on lui defend.
M. de Chavigny fut prevenu de ce surcroit de profils.
M. de Beaufort, pas assez sur de lui pour risquer la tete de face,
avait fait de sa chambre une veritable salle d'exposition. Cette
fois le gouverneur ne dit rien; mais un jour que M. de Beaufort
jouait a l
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