parlait peu et
agissait beaucoup.
Le cardinal fit encore a La Ramee une foule de questions sur le
prisonnier, sur la facon dont il etait nourri, loge et couche,
auxquelles celui-ci repondit d'une facon si satisfaisante, qu'il
le congedia presque rassure.
Puis, comme il etait neuf heures du matin, il se leva, se parfuma,
s'habilla et passa chez la reine pour lui faire part des causes
qui l'avaient retenu chez lui. La reine, qui ne craignait guere
moins M. de Beaufort que le cardinal le craignait lui-meme, et qui
etait presque aussi superstitieuse que lui, lui fit repeter mot
pour mot toutes les promesses de La Ramee et tous les eloges qu'il
donnait a son second; puis lorsque le cardinal eut fini:
-- Helas! monsieur, dit-elle a demi-voix, que n'avons-nous un
Grimaud aupres de chaque prince!
-- Patience, dit Mazarin avec son sourire italien, cela viendra
peut-etre un jour; mais en attendant...
-- Eh bien! en attendant?
-- Je vais toujours prendre mes precautions.
Sur ce, il avait ecrit a d'Artagnan de presser son retour.
XIX. Ce a quoi se recreait M. le duc de Beaufort au donjon de
Vincennes
Le prisonnier qui faisait si grand'peur a M. le cardinal, et dont
les moyens d'evasion troublaient le repos de toute la cour, ne se
doutait guere de tout cet effroi qu'a cause de lui on ressentait
au Palais-Royal.
Il se voyait si admirablement garde qu'il avait reconnu
l'inutilite de ses tentatives; toute sa vengeance consistait a
lancer nombre d'imprecations et d'injures contre le Mazarin. Il
avait meme essaye de faire des couplets, mais il y avait bien vite
renonce. En effet, M. de Beaufort non seulement n'avait pas recu
du ciel le don d'aligner des vers, mais encore ne s'exprimait
souvent en prose qu'avec la plus grande peine du monde. Aussi
Blot, le chansonnier de l'epoque, disait-il de lui:
_Dans un combat il brille, il tonne!_
_On le redoute avec raison;_
_Mais de la facon qu'il raisonne, _
_On le prendrait pour un oison._
_Gaston, pour faire une harangue, _
_Eprouve bien moins d'embarras;_
_Pourquoi Beaufort n'a-t-il la langue!_
_Pourquoi Gaston n'a-t-il le bras?_
Ceci pose, on comprend que le prisonnier se soit borne aux injures
et aux imprecations.
Le duc de Beaufort etait petit-fils de Henri IV et de Gabrielle
d'Estrees, aussi bon, aussi brave, aussi fier et surtout aussi
Gascon que son aieul, mais beaucoup moins lettre. Apres avoir ete
pendant quelque temps, a la mort du r
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