spectueusement du garde et du
prince, il prit le garde par le bras.
-- Que me voulez-vous? demanda brutalement le duc.
Grimaud conduisit le garde a quatre pas et lui montra la porte.
-- Allez, dit-il.
Le garde obeit.
-- Oh! mais, s'ecria le prince, vous m'etes insupportable: je vous
chatierai.
Grimaud salua respectueusement.
-- Monsieur l'espion, je vous romprai les os! s'ecria le prince
exaspere.
Grimaud salua en reculant.
-- Monsieur l'espion, continua le duc, je vous etranglerai de mes
propres mains.
Grimaud salua en reculant toujours.
-- Et cela, reprit le prince, qui pensait qu'autant valait en
finir de suite, pas plus tard qu'a l'instant meme.
Et il etendit ses deux mains crispees vers Grimaud, qui se
contenta de pousser le garde dehors et de fermer la porte derriere
lui.
En meme temps il sentit les mains du prince qui s'abaissaient sur
ses epaules, pareilles a deux tenailles de fer; il se contenta, au
lieu d'appeler ou de se defendre, d'amener lentement son index a
la hauteur de ses levres et de prononcer a demi-voix, en colorant
sa figure de son plus charmant sourire, le mot:
-- Chut!
C'etait une chose si rare de la part de Grimaud qu'un geste, qu'un
sourire et qu'une parole, que Son Altesse s'arreta tout court, au
comble de la stupefaction.
Grimaud profita de ce moment pour tirer de la doublure de sa veste
un charmant petit billet a cachet aristocratique, auquel sa longue
station dans les habits de Grimaud n'avait pu faire perdre
entierement son premier parfum, et le presenta au duc sans
prononcer une parole.
Le duc, de plus en plus etonne, lacha Grimaud, prit le billet, et,
reconnaissant l'ecriture:
-- De madame de Montbazon? s'ecria-t-il.
Grimaud fit signe de la tete que oui.
Le duc dechira rapidement l'enveloppe, passa sa main sur ses yeux,
tant il etait ebloui, et lut ce qui suit:
"Mon cher duc,
Vous pouvez vous fier entierement au brave garcon qui vous
remettra ce billet, car c'est le valet d'un gentilhomme qui est a
nous, et qui nous l'a garanti comme eprouve par vingt ans de
fidelite. Il a consenti a entrer au service de votre exempt et a
s'enfermer avec vous a Vincennes, pour preparer et aider a votre
fuite, de laquelle nous nous occupons.
Le moment de la delivrance approche; prenez patience et courage en
songeant que, malgre le temps et l'absence, tous vos amis vous ont
conserve les sentiments qu'ils vous avaient voues.
Votre toute et toujour
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