efois a Sa Majeste; depuis que je sais combien vous touche ce
jeune homme qui est si vaillamment venu a mon secours le jour de
l'arrestation de ce vieux drole de Broussel, je me declare tout
votre, sauf cependant la consigne.
-- Merci, monsieur, je n'en desire pas davantage et je vais vous
demander une chose qui ne vous compromettra aucunement.
-- Si elle ne me compromet qu'un peu, monsieur, dit en souriant
M. de Comminges, demandez toujours. Je n'aime pas beaucoup plus
que vous M. Mazarini: je sers la reine, ce qui m'entraine tout
naturellement a servir le cardinal; mais je sers l'une avec joie
et l'autre a contrecoeur. Parlez donc, je vous prie; j'attends et
j'ecoute.
-- Puisqu'il n'y a aucun inconvenient, dit Athos, que je sache que
M. d'Artagnan est ici, il n'y en a pas davantage, je presume, a ce
qu'il sache que j'y suis moi-meme?
-- Je n'ai recu aucun ordre a cet endroit, monsieur.
-- Eh bien! faites-moi donc le plaisir de lui presenter mes
civilites et de lui dire que je suis son voisin. Vous lui
annoncerez en meme temps ce que vous m'annonciez tout a l'heure,
c'est-a-dire que M. de Mazarin m'a place dans le pavillon de
l'orangerie pour me pouvoir faire visite, et vous lui direz que je
profiterai de cet honneur qu'il me veut bien accorder, pour
obtenir quelque adoucissement a notre captivite.
-- Qui ne peut durer, ajouta Comminges; M. le cardinal me le
disait lui-meme, il n'y a point ici de prison.
-- Il y a des oubliettes, dit en souriant Athos.
-- Oh! ceci est autre chose, dit Comminges. Oui, je sais qu'il y a
des traditions a ce sujet; mais un homme de petite naissance comme
l'est le cardinal, un Italien qui est venu chercher fortune en
France, n'oserait se porter a de pareils exces envers des hommes
comme vous; ce serait une enormite. C'etait bon du temps de
l'autre cardinal, qui etait un grand seigneur; mais mons Mazarin!
allons donc! les oubliettes sont vengeances royales et auxquelles
ne doit pas toucher un pleutre comme lui. On sait votre
arrestation, on saura bientot celle de vos amis, monsieur, et
toute la noblesse de France lui demanderait compte de votre
disparition. Non, non, tranquillisez-vous, les oubliettes de Rueil
sont devenues, depuis dix ans, des traditions a l'usage des
enfants. Demeurez donc sans inquietude a cet endroit. De mon cote,
je previendrai M. d'Artagnan de votre arrivee ici. Qui sait si
dans quinze jours vous ne me rendrez pas quelque service analogue!
-- Moi,
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