avions servi le general Cromwell, au lieu d'avoir servi le
roi Charles, ce qui eut ete une honte qui eut rejailli de nous a
lui, de lui a Votre Majeste, une lachete qui eut tache a sa tige
la royaute de votre illustre fils. Or, nous lui avons donne la
preuve du contraire et cette preuve, nous sommes prets a la donner
a Votre Majeste elle-meme, en en appelant a l'auguste veuve qui
pleure dans ce Louvre ou l'a logee votre royale munificence. Cette
preuve l'a si bien satisfait, qu'en signe de satisfaction il m'a
envoye, comme Votre Majeste peut le voir, pour causer avec elle
des reparations naturellement dues a des gentilshommes mal
apprecies et persecutes a tort.
Je vous ecoute et vous admire, monsieur, dit Anne d'Autriche. En
verite, j'ai rarement vu un pareil exces d'impudence.
-- Allons, dit d'Artagnan, voici Votre Majeste qui, a son tour, se
trompe sur nos intentions comme avait fait M. de Mazarin.
-- Vous etes dans l'erreur, monsieur, dit la reine, et je me
trompe si peu, que dans dix minutes vous serez arrete et que dans
une heure je partirai pour aller delivrer mon ministre a la tete
de mon armee.
-- Je suis sur que Votre Majeste ne commettra point une pareille
imprudence, dit d'Artagnan, d'abord parce qu'elle serait inutile
et qu'elle amenerait les plus graves resultats. Avant d'etre
delivre, M. le cardinal serait mort, et Son Eminence est si bien
convaincue de la verite de ce que je dis qu'elle m'a au contraire
prie, dans le cas ou je verrais Votre Majeste dans ces
dispositions, de faire tout ce que je pourrais pour obtenir
qu'elle change de projet.
-- Eh bien! je me contenterai donc de vous faire arreter.
-- Pas davantage, Madame, car le cas de mon arrestation est aussi
bien prevu que celui de la delivrance du cardinal. Si demain, a
une heure fixe, je ne suis pas revenu, apres-demain matin M. le
cardinal sera conduit a Paris.
-- On voit bien, monsieur, que vous vivez, par votre position,
loin des hommes et des choses; car autrement vous sauriez que
M. le cardinal a ete cinq ou six fois a Paris, et cela depuis que
nous en sommes sortis, et qu'il y a vu M. de Beaufort,
M. de Bouillon, M. le coadjuteur, M. d'Elbeuf, et que pas un n'a
eu l'idee de le faire arreter.
-- Pardon, Madame, je sais tout cela; aussi n'est-ce ni a
M. de Beaufort, ni a M. de Bouillon, ni a M. le coadjuteur, ni a
M. d'Elbeuf, que mes amis conduiront M. le cardinal, attendu que
ces messieurs font la guerre pour leur propre c
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