monsieur?
-- Eh! sans doute; ne puis-je pas a mon tour etre prisonnier de
M. le coadjuteur?
-- Croyez bien que dans ce cas, monsieur, dit Athos en
s'inclinant, je m'efforcerais de vous plaire.
-- Me ferez-vous l'honneur de souper avec moi, monsieur le comte?
demanda Comminges.
-- Merci, monsieur, je suis de sombre humeur et je vous ferais
passer la soiree triste. Merci.
Comminges alors conduisit le comte dans une chambre du rez-de-
chaussee d'un pavillon faisant suite a l'orangerie et de plain-
pied avec elle. On arrivait a cette orangerie par une grande cour
peuplee de soldats et de courtisans. Cette cour, qui formait le
fer a cheval, avait a son centre les appartements habites par
M. de Mazarin, et a chacune de ses ailes le pavillon de chasse, ou
etait d'Artagnan, et le pavillon de l'orangerie, ou venait
d'entrer Athos. Derriere l'extremite de ces deux ailes s'etendait
le parc.
Athos, en arrivant dans la chambre qu'il devait habiter, apercut a
travers sa fenetre, soigneusement grillee, des murs et des toits.
-- Qu'est-ce que ce batiment? dit-il.
-- Le derriere du pavillon de chasse ou vos amis sont detenus, dit
Comminges. Malheureusement, les fenetres qui donnent de ce cote
ont ete bouchees du temps de l'autre cardinal, car plus d'une fois
les batiments ont servi de prison, et M. de Mazarin, en vous y
enfermant, ne fait que les rendre a leur destination premiere. Si
ces fenetres n'etaient pas bouchees, vous auriez eu la consolation
de correspondre par signes avec vos amis.
-- Et vous etes sur, monsieur de Comminges, dit Athos, que le
cardinal me fera l'honneur de me visiter?
-- Il me l'a assure, du moins, monsieur.
Athos soupira en regardant ses fenetres grillees.
-- Oui, c'est vrai, dit Comminges, c'est presque une prison, rien
n'y manque, pas meme les barreaux. Mais aussi quelle singuliere
idee vous a-t-il pris, a vous qui etes une fleur de noblesse,
d'aller epanouir votre bravoure et votre loyaute parmi tous ces
champignons de la Fronde! Vraiment, comte, si j'eusse jamais cru
avoir quelque ami dans les rangs de l'armee royale, c'est a vous
que j'eusse pense. Un frondeur, vous, le comte de La Fere, du
parti d'un Broussel, d'un Blancmesnil, d'un Viole! Fi donc! cela
ferait croire que madame votre mere etait quelque petite robine.
Vous etes un frondeur!
-- Ma foi, mon cher monsieur, dit Athos, il fallait etre mazarin
ou frondeur. J'ai longtemps fait resonner ces deux noms a mon
oreill
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