ier entre eux?... la delivrance du
cardinal peut-etre. Or, la delivrance du cardinal, c'est la ruine
de nos esperances, et nos esperances sont jusqu'a present l'unique
recompense de vingt ans de travaux pres desquels ceux d'Hercule
sont des oeuvres de pygmee.
Il alla trouver Aramis.
-- Vous etes, vous, mon cher chevalier d'Herblay, lui dit-il, la
Fronde incarnee. Mefiez-vous donc d'Athos, qui ne veut faire les
affaires de personne, pas meme les siennes. Mefiez-vous surtout de
Porthos, qui, pour plaire au comte, qu'il regarde comme la
Divinite sur la terre, l'aidera a faire evader Mazarin, si Mazarin
a seulement l'esprit de pleurer ou de faire de la chevalerie.
Aramis sourit de son sourire fin et resolu a la fois.
-- Ne craignez rien, dit-il, j'ai mes conditions a poser. Je ne
travaille pas pour moi, mais pour les autres. Il faut que ma
petite ambition aboutisse au profit de qui de droit.
-- Bon, pensa d'Artagnan, de ce cote je suis tranquille.
Il serra la main d'Aramis et alla trouver Porthos.
-- Ami, lui dit-il, vous avez tant travaille avec moi a edifier
notre fortune, jusqu'au moment ou nous sommes sur le point de
recueillir le fruit de nos travaux, ce serait une duperie ridicule
a vous que de vous laisser dominer par Aramis, dont vous
connaissez la finesse, finesse qui, nous pouvons le dire entre
nous, n'est pas toujours exempte d'egoisme; ou par Athos, homme
noble et desinteresse, mais aussi homme blase, qui, ne desirant
plus rien pour lui-meme, ne comprend pas que les autres aient des
desirs. Que diriez-vous si l'un ou l'autre de nos deux amis vous
proposait de laisser aller Mazarin?
-- Mais je dirais que nous avons eu trop de mal a le prendre pour
le lacher ainsi.
-- Bravo! Porthos, et vous auriez raison, mon ami; car avec lui
vous lacheriez votre baronnie, que vous tenez entre vos mains;
sans compter qu'une fois hors d'ici Mazarin vous ferait pendre.
-- Bon! vous croyez?
-- J'en suis sur.
-- Alors je tuerais plutot tout que de le laisser echapper.
-- Et vous auriez raison. Il ne s'agit pas, vous comprenez, quand
nous avons cru faire nos affaires, d'avoir fait celles des
frondeurs, qui d'ailleurs n'entendent pas les questions politiques
comme nous, qui sommes de vieux soldats.
-- N'ayez pas peur, cher ami, dit Porthos, je vous regarde par la
fenetre monter a cheval, je vous suis des yeux jusqu'a ce que vous
ayez disparu, puis je reviens m'installer a la porte du cardinal,
a une p
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