e tout observer, et de tout recueillir; il fit en
meme temps offrir des fonds au directoire, au cas qu'il en eut besoin,
s'il avait quelque acte de vigueur a tenter.
Quand le directoire recut ces adresses, il fut extremement embarrasse.
Elles etaient en quelque sorte illegales, car les armees ne pouvaient
pas deliberer. Les accueillir, les publier, c'etait autoriser les armees
a intervenir dans le gouvernement de l'etat, et livrer la republique
a la puissance militaire. Mais pouvait-on se sauver de ce peril? En
s'adressant a Hoche, en lui demandant des troupes, en demandant un
general a Bonaparte, le gouvernement n'avait-il pas lui-meme provoque
cette intervention? Oblige de recourir a la force, de violer la
legalite, pouvait-il s'adresser a d'autres soutiens que les armees?
Recevoir ces adresses n'etait que la consequence de ce qu'on avait fait,
de ce qu'on avait ete oblige de faire. Telle etait la destinee de notre
malheureuse republique, que pour se soustraire a ses ennemis, elle
etait obligee de se livrer aux armees. C'est la crainte de la
contre-revolution qui, en 1793, avait jete la republique dans les exces
et les fureurs dont on a vu la triste histoire; c'est la crainte de la
contre-revolution qui, aujourd'hui, l'obligeait de se jeter dans les
bras des militaires; en un mot, c'etait toujours pour fuir le meme
danger, que tantot elle avait recours aux passions, tantot aux
baionnettes.
Le directoire eut bien voulu cacher ces adresses, et ne pas les publier
a cause du mauvais exemple; mais il aurait horriblement blesse le
general, et l'eut peut-etre rejete vers les ennemis de la republique. Il
fut donc contraint de les imprimer et de les repandre. Elles jeterent
l'effroi dans le parti clichyen, et lui firent sentir combien avait
ete grande son imprudence, quand il avait attaque, par la motion de
Dumolard, la conduite du general Bonaparte a Venise. Elles donnerent
lieu a de nouvelles plaintes dans les conseils: on s'eleva contre cette
intervention des armees, on dit qu'elles ne devaient pas deliberer, et
on vit la une nouvelle preuve des projets imputes au directoire.
Bonaparte causa un nouvel embarras au gouvernement, par le general
divisionnaire qu'il lui envoya. Augereau excitait dans l'armee une
espece de trouble, par la violence de ses opinions, tout a fait dignes
du faubourg Saint-Antoine. Il etait toujours pret a entrer en querelle
avec quiconque n'etait pas aussi violent que lui; et Bonaparte craignait
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