fut menage en consideration de ses revelations. La haine eut sans
doute sa part ordinaire dans le choix des victimes, car il n'y avait que
Pichegru de reellement dangereux parmi ces quinze individus. Le nombre
en fut porte a seize, par le devoument du nomme Letellier, domestique
de Barthelemy, qui demanda a suivre son maitre. On les fit partir sans
delai, et ils furent exposes, comme il arrive toujours, a la brutalite
des subalternes. Cependant le directoire ayant appris que le general
Dutertre, chef de l'escorte, se conduisait mal envers les prisonniers,
le remplaca sur-le-champ. Ces deportes pour cause de royalisme
allaient se retrouver a Sinamari, a cote de Billaud-Varennes et de
Collot-d'Herbois. Les autres deportes furent destines a l'ile d'Oleron.
Pendant ces deux jours, Paris demeura parfaitement calme. Les patriotes
des faubourgs trouvaient la peine de la deportation trop douce; ils
etaient habitues a des mesures revolutionnaires d'une autre espece.
Se confiant dans Barras et Augereau, ils s'attendaient a mieux. Ils
formerent des groupes, et vinrent sous les fenetres du directoire crier:
_Vive la Republique! vive le Directoire! vive Barras!_ Ils attribuaient
la mesure a Barras, et desiraient qu'on s'en remit a lui, pendant
quelques jours, de la repression des aristocrates. Cependant ces
groupes peu nombreux ne troublerent aucunement le repos de Paris. Les
sectionnaires de vendemiaire, qu'on aurait vus bientot, sans la loi du
19, reorganises en garde nationale, n'avaient plus assez d'energie pour
prendre spontanement les armes. Ils laisserent executer le coup
d'etat sans opposition. Du reste, l'opinion restait incertaine. Les
republicains sinceres voyaient bien que la faction royaliste avait rendu
inevitable une mesure energique, mais ils deploraient la violation des
lois et l'intervention du pouvoir militaire. Ils doutaient presque de la
culpabilite des conspirateurs, en voyant un homme comme Carnot confondu
dans leurs rangs. Ils craignaient que la haine n'eut trop influe sur la
determination du directoire. Enfin, meme en jugeant ses determinations
comme necessaires, ils etaient tristes, et ils avaient raison; car il
devenait evident que cette constitution, dans laquelle ils avaient
mis tout leur espoir, n'etait pas le terme de nos troubles et de nos
discordes. La masse de la population se soumit, et se detacha beaucoup
en ce jour des evenemens politiques. On l'avait vue, le 9 thermidor,
passer de la haine cont
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